Pendant plus de quarante ans, il a œuvré pour défendre la culture à Nantes, Paris - avec la Nuit Blanche - Le Havre et ailleurs. Militant de l’art dans l’espace public, Jean Blaise est sur le point de quitter son poste de directeur du Voyage à Nantes. Dans un entretien à Ouest-France, il défend sa vision de la culture.
Depuis 1982, il était un pilier de la culture à Nantes (Loire-Atlantique), dont il a profondément marqué le paysage avec Les Allumées, puis Le Voyage à Nantes, notamment. Mais aussi à Paris avec Nuit Blanche, et Le Havre avec Un été au Havre. À 73 ans, Jean Blaise passe la main, fin décembre. L’occasion d’un entretien bilan.
Le monde de la culture est touché, ces dernières semaines, par de sévères coupes de ses subventions. Dans les Pays de la Loire, notamment, ces économies décidées par la présidente (Horizons) de la Région Christelle Morançais sont drastiques. Êtes-vous inquiet pour l’avenir de la culture ?
J’ai des craintes pour l’avenir, bien sûr. Réduire les budgets de la culture dans ces proportions, c’est une façon violente de penser la vie d’un pays. Supprimer tout ce qui pourrait sembler pas vraiment essentiel est une erreur : la culture se glisse dans tout. Si Nantes est reconnue de la Belgique à l’Espagne, ou ailleurs en Europe, comme une ville singulière, c’est grâce à la culture : elle entraîne des retombées inestimables, en termes de fréquentation touristique, comme pour l’image de la ville. Ce n’est pas une question d’étiquette politique : pour Un été au Havre, Édouard Philippe, dont Christelle Morançais est proche, est venu me voir ici parce qu’il avait entendu parler de la façon dont on rendait Nantes créative grâce à l’art dans la ville.
Dès la fin des années 1980, avec Jean-Marc Ayrault, devenu maire de Nantes, vous décidez de vous appuyer sur la culture pour tirer la ville de la léthargie dans laquelle elle sombrait…
Quand Jean-Marc Ayrault devient maire de Nantes en 1989, la ville vit la pire de ses périodes : les chantiers navals ont stoppé leur activité, comme l’usine LU en ville, la Loire, comblée, a disparu du paysage urbain… Il sait qu’il va lui falloir du temps pour la reconstruire, lui donner une nouvelle raison d’être et pouvoir la montrer telle qu’elle est. Il fallait un événement fort comme un coup de poing : ce sera le festival les Allumées, de 1990 à 1995. Pendant six nuits et six éditions, des propositions artistiques ont fait trembler la ville, l’ont provoquée. Des publics très différents, les jeunes et les autres, avaient envie que la ville vibre !
Depuis 2012, avec le Voyage à Nantes, parcours artistique estival gratuit, vous avez poussé encore plus loin ce travail sur la ville. Quelle est la formule ?
Avant tout, il faut être ébahi par les artistes ! Et aimer le politique, au premier sens du mot, c’est-à-dire l’espace public qui appartient à tout le monde. C’est le meilleur endroit pour stimuler la créativité et appliquer les préceptes de Malraux (ministre de la Culture de 1959 à 1969) : la culture pour le plus grand nombre. Quand j’ai dirigé des scènes nationales (1), je sentais bien que je ne touchais pas le public de la même façon. Moi, je suis metteur en scène de villes. À Nantes, j’ai imaginé comment créer de...
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