Le directeur général de la grande maison d’art lyrique partira fin 2020 avant le terme de son mandat. Il laisse les pleins pouvoirs à son successeur, Alexander Neef, afin qu’il puisse gérer au mieux le plan de relance drastique qui s’annonce.
En poste depuis 2014 à l’Opéra de Paris, Stéphane Lissner aurait dû partir fin juillet 2021, au terme d’un mandat de sept ans dont le gouvernement lui a refusé qu’il soit prolongé. Mais les grèves à répétition et les incertitudes liées à la pandémie de Covid-19, assorties d’un déficit record de la maison d’art lyrique parisienne, ont changé la donne. La situation nécessite désormais des prises de décision urgentes d’une telle importance que le directeur général a préféré rompre son contrat et laisser, dès janvier 2021, les mains libres à son successeur, l’Allemand Alexander Neef (46 ans). Retour sur les raisons d’un départ anticipé.
Pourquoi avez-vous décidé de quitter l’Opéra de Paris plus tôt que prévu ?
La situation l’exige. Fin 2020, il est probable que l’Opéra de Paris n’aura plus de fonds de roulement. L’urgence de la situation économique va exiger des prises de décision drastiques et immédiates, qui auront un impact social important. Elles ne doivent et ne peuvent être prises que par ceux qui auront les rênes de la maison dans le futur, en l’occurrence, mon successeur, Alexander Neef, et son directeur adjoint, Martin Ajdari. C’est pourquoi, à partir de janvier 2021, j’ai choisi de m’effacer afin qu’il n’y ait plus qu’un seul patron à bord.
N’y avait-il pas d’autre solution ?
Je le répète, nous ne sommes pas dans une situation de passation normale. Nous affichons 45 millions d’euros de dettes et l’Opéra de Paris est à genoux. Il n’y a pas de transition possible. J’ai déjà allégé ma programmation pour la saison 2020-2021 à cause des pertes dues aux annulations pendant les grèves contre la réforme des retraites. Je refuse d’aller plus loin. Ce n’est pas à moi, qui ne serai plus dans les murs, de supprimer des productions. Encore moins de désigner lesquelles doivent l’être. Les choses auraient été différentes si mon mandat avait été prolongé comme je le souhaitais. A titre personnel, ce n’est pas sans peine que je quitte cette maison...
Vous serez encore aux manettes en septembre. Quelles mesures avez-vous prises pour ce début de saison sous menace sanitaire ?
L’Opéra de Paris est officiellement fermé jusqu’au 15 juillet. Mais les mois qui suivront s’annoncent très aléatoires. Qu’en sera-t-il des obligations sanitaires ? Le public reviendra-t-il dans les salles ? Autant de questions sans réponse. Sans compter que 80 % de nos artistes sont étrangers, dont 55 % résident en dehors de l’espace Schengen. C’est pourquoi j’ai proposé d’avancer dès cet été les travaux initialement prévus dans les deux salles entre juillet et octobre 2021. Sur le plan économique, l’impact sera très modéré. Quant à mon successeur, il ne sera pas obligé de stopper la machine à peine arrivé.
Faudra-t-il donc attendre 2021 pour que l’Opéra de Paris soit rouvert au public ?
Bien sûr que non. L’Opéra Bastille restera fermé jusqu’au 15 novembre et la reprise se fera avec trois spectacles en alternance. Un ballet, La Bayadère, et deux opéras, La Traviata, mise en scène par Simon Stone et dirigée par James Gaffigan, et la Carmen de Calixto Bieito avec la chef d’orchestre Keri-Lynn Wilson à la baguette. Quant au Palais Garnier, qui, lui, restera en travaux jusqu’à fin décembre, nous y programmerons, à partir du 15 septembre, deux à trois concerts par semaine en version orchestre de chambre présentés devant le rideau de fer.
Cela veut-il dire que le « Ring » de Wagner, qui devait couronner votre dernière saison, tombe complètement à l’eau ?
Nous n’avons même pas répété La Walkyrie ! A moins que mon successeur ne...
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