L’acteur et metteur en scène Robin Renucci, ardent défenseur d’un théâtre populaire exigeant, soutient les revendications exprimées à l’Odéon. Il réclame la réouverture immédiate des salles. Et ne manque pas d’idées pour un retour progressif à la normale.
Les artistes du spectacle vivant travaillent : ils répètent et se rendent éventuellement dans les écoles pour assumer leurs missions d’éducation artistique. Mais ils ne jouent plus, sauf devant quelques professionnels. Ils ne croisent plus jamais le grand public dans des salles refermées depuis octobre dernier. Une situation qui a fini par dégrader sérieusement le moral des troupes – malgré les nombreuses mesures de soutien et le plan de relance. Depuis jeudi dernier, à l’initiative notamment de la CGT-Spectacles, le Théâtre national de l’Odéon, à Paris, est occupé. Les militants, inquiets, revendiquent la prolongation de l’année blanche du système de l’intermittence au-delà d’août 2021 et la défense des plus précaires, d’ores et déjà exclus de ce régime.
L’acteur et metteur en scène Robin Renucci leur a rendu visite le dimanche 7 mars. En tant que président depuis 2017 de l’ACDN, Association des centres dramatiques nationaux, il leur a déclaré son soutien. Cet hiver, par ailleurs, celui-ci a représenté son milieu professionnel (les institutions culturelles subventionnées) dans les réunions avec le ministère de la Culture pour élaborer ce fameux « calendrier résilient » du retour progressif à la normale.
Que représente pour vous l’occupation du Théâtre national de l’Odéon ?
C’est un symbole qui évoque un moment historique : l’occupation de ce même théâtre en mai 1968. Mais, à l’époque, l’événement était centralisé et parisien. Aujourd’hui, la décentralisation a eu lieu et la vie théâtrale maille tous les territoires de France, où le mouvement pourrait s’amplifier. Il y a des appels à occupation des lieux culturels dans plusieurs régions. En tant que président d’une association d’employeurs, je ne peux défendre cela car je crains les débordements. Si la situation se dégrade, nous passerons pour des agitateurs. Mais, néanmoins, je soutiens les revendications exprimées à l’Odéon et rappelle que le « calendrier résilient » pour la réouverture des salles, auquel ont travaillé tous les représentants des lieux culturels, est sur la table depuis le mois de janvier et qu’il est resté lettre morte.
Ce calendrier ne corrèle-t-il pas la réouverture des lieux culturels à la situation générale de la pandémie ? Or aujourd'hui celle-ci ne décroît pas et on parle toujours d'un possible reconfinement.
En effet, l’épidémie ne décélère pas mais l’état mental de la société est inquiétant. Pourquoi ne pas retenir le critère de contamination dans les théâtres ? Celui-ci est à zéro : il n’y a jamais eu de cluster dans les théâtres. Des cas de Covid parmi les acteurs sur scène peut-être, mais jamais dans les salles ! Qu’on nous explique pourquoi, avec des jauges et des mesures, même encore plus drastiques que celles déjà envisagées, on ne pourrait pas accueillir une partie du public, alors que l’on voit des files indiennes devant les grandes enseignes ou des gens s’entasser dans le métro.
La fermeture des théâtres au public ne devrait être la règle qu’en cas de confinement généralisé. Or, cela fait deux mois que nous sommes au bord du confinement total mais qu’on l’évite toujours. C’est précisément dans cette situation de non-confinement généralisé que je réclame l’ouverture des théâtres ! S’il le faut, d’une manière territorialisée : cela n’a jamais été vraiment étudié. Ouvrir, par exemple, le centre dramatique national de Montluçon ne peut pas créer des flux énormes dans la ville comme le craignait la ministre de la Culture, en décembre dernier, au micro de France Inter. La vie d’une ville moyenne n’a rien à voir avec celle d’une métropole.
Occuper des lieux comme l’Odéon, où des artistes sont eux-mêmes en répétition pour défendre l’emploi artistique, n’est-ce pas contradictoire ?
Il faut être attentif en effet à ne pas créer de dichotomie entre les artistes qui sont au travail et ceux qui sont dehors. Mais c’est de la précarité de l’emploi qu’il s’agit ici de se prémunir au mieux. Il faut des garanties sur les conditions de la reprise de l’activité quand certains artistes ou techniciens sont sortis du régime de l’intermittence malgré la prorogation de l’année blanche jusque fin août 2021. Non seulement, nous voulons que cette année blanche soit prolongée, mais il faut en plus flécher des mesures de soutien spécifiques à l’emploi des plus précaires. Celle des intermittents comme celle de salariés en contrats courts dans d’autres domaines, dans la restauration ou l’événementiel, par exemple. Car toute la jeunesse est concernée par ces emplois discontinus, dont la fragilité est renforcée par la crise et la réforme du régime général de l’assurance-chômage, qui va bientôt entrer en application.
Vous défendez l’emploi artistique, mais quid du public ?
À l’approche de l’anniversaire du premier confinement, qui a débuté le 16 mars, nous, artistes et professionnels du secteur, lançons une autre mobilisation, associant le public à notre démarche. Dès samedi prochain et pendant tous les week-ends à venir, nous appelons à tenir des assemblées à l’extérieur, sur les parvis des théâtres ou dans les cours des musées, réunissant créateurs et spectateurs. Pour qu’il y ait débats, échanges et gestes artistiques. Afin que, non seulement le public se rallie à notre cause, mais que les artistes remettent celui-ci au centre de leur pratique, comme Jacques Copeau ou Charles Dullin autrefois. Encore une fois, le théâtre n’existe pas seulement parce que des acteurs ont envie de raconter leurs histoires sur scène : sans le public, il ne sert à rien ! Dès aujourd’hui, nos rassemblements en plein air sur les parvis des théâtres peuvent précéder la réouverture des salles.
Le théâtre en salle se met donc au théâtre de rue ?
Ces assemblées tenues à...
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