Le directeur de la Coopérative de Mai raconte les difficultés d'une salle de concerts de musiques actuelles pour continuer à vivre malgré les incertitudes.
Les salles de concerts de musiques actuelles sont, avec les discothèques, les grandes oubliées de la reprise progressive post-confinement. Les directeurs de ces salles, en configuration debout pour la plupart, attendent en vain depuis des semaines un signe de la part du ministère pour y voir plus clair.
Hyperactif et connu pour sa générosité, Didier Veillault, 65 ans, directeur et programmateur de la Coopérative de Mai, la salle phare des musiques actuelles de Clermont-Ferrand (Auvergne), avait eu l'idée d'organiser, "en attendant des jours meilleurs", un mini festival gratuit en extérieur cet été, respectueux des consignes sanitaires et des gestes barrière, avec une jauge très réduite. Un festival mort-né qui devait débuter ce mercredi 24 juin avec un concert pour les enfants de The Wackids.
Le crash d'une belle idée de festival
L'histoire de ce projet est un crève-cœur. C'est celle d'un événement créé grâce à l'engagement de quelques-uns pour faire vivre la musique et donner un peu de bonheur aux gens au sortir du confinement, qui termine à la corbeille comme un vulgaire papier gras, faute d'écoute et d'engagement de la part des autorités.
Lorsque Didier Veillault a jeté l'éponge le 19 juin a après un mois de travail de son équipe, nous avons voulu en savoir plus. Savoir comment une si belle idée, si bien pensée, avait pu se naufrager, et sur quels rochers. Nous en avons profité pour l'interroger sur les perspectives d'une salle comme la sienne : une Smac (Scène de musiques actuelles) de 1 500 personnes, autofinancée à 70% grâce à la billetterie et au bar, employant 20 salariés, sans compter les intermittents et les vacataires.
Comment est né et en quoi consistait le festival "Coopérative de Mai en été" ?
Didier Veillault : Lorsqu'a été annoncée la réouverture des bars et des restaurants, je me suis dit que puisque nous disposons d'un grand parvis, nous allions proposer une terrasse d'été en respectant tous les protocoles sanitaires, sur une jauge réduite. Il ne s'agissait pas d'un retour à la normale, j'insiste là-dessus. Nous avons eu dans un premier temps l'autorisation de principe de la mairie pour 158 personnes dans le public et 30 personnes pour le personnel et les artistes. Nous étions donc très contraints mais c'était malgré tout une ouverture, une façon de retrouver un peu de vie, un peu de live, parce qu'on en a ras le bol du virtuel et des écrans. L'idée pour nous c'était aussi d'apprendre à gérer ces contraintes, parce qu'il va falloir vivre avec encore un moment.
Cela devait durer tout l'été ?
Nous avions prévu douze soirées de concerts en juin et juillet, les jeudis, vendredis et samedis, puis une pause et à nouveau douze jours en août. Nous avons contacté un certain nombre d'artistes qui ont vraiment joué le jeu : Inspector Cluzo, Limiñanas, Sanseverino ont tout de suite dit oui, avec des cachets qui n'avaient rien à voir avec ce qu'ils touchent habituellement. Nous avions Cali aussi et Dick Annegarn. Benjamin Biolay m'a même appelé pour dire "je viens". Même si l'événement était gratuit, on voulait avoir une belle affiche. Sur les réseaux sociaux, le public était enthousiaste. On avait beaucoup travaillé sur le décor du parvis pour rendre l'endroit chaleureux.
Mais alors, que s'est-il passé ?
Il s'est passé que tout est devenu hyper compliqué. Le maire de Clermont-Ferrand Olivier Bianchi a autorisé la manifestation mais au lendemain du discours du président Macron où la culture a attendu en vain qu'il dise quelque chose, un décret est paru en vertu duquel c'est la préfecture qui décide désormais des manifestations de plus de 10 personnes. Et là on a dû ré-enclencher des dossiers de 15 kilomètres de long. La préfecture n'a pas dit non mais elle a ajouté toujours plus de contraintes, de sas, de barrières et des choses compliquées. Il fallait encore convaincre de nouvelles personnes. Et puis on est en pleine période électorale avec les municipales. Au point que j'ai dit "en fait vous n'avez pas envie que ça se fasse". En réalité, personne dans l'administration n'ose s'engager. Pourtant ça aurait été une belle opportunité pour la ville d'avoir quelque chose cet été, même pour les touristes.
Qu'attendiez-vous de la part des autorités ?
Je trouve que dans une période difficile on devrait nous faire confiance plutôt que l'inverse. Et puis qu'on arrête de nous infantiliser. J'organise des concerts depuis plus de 30 ans. Contrairement à ce que j'ai vu à la télé pour la Fête de la musique à Paris, nous on ne proposait pas n'importe quoi. On est des gens responsables, pas des fous furieux. Dans notre projet, tout avait été pensé pour l'accueil du public, la distanciation, la circulation, les flèches, les toilettes, avec des panneaux préventifs rappelant les gestes barrière. Il n'y avait pas de problèmes de nuisances puisqu'il n'y a plus rien autour du parvis à partir de 18 heures. Je pense qu'on aurait pu nous encourager, nous aider, faire preuve de solidarité.
Les cinémas, les théâtres rouvrent, les concerts de musique classique aussi. Avez-vous l'impression que les musiques actuelles sont négligées ?
Cela fait de la peine de voir comment nos musiques et nos publics sont maltraités. Déjà on ne parle pas de la même chose que les cinémas et les théâtres puisque nos concerts se passent avant tout debout. C'est quelque chose qu'on a vraiment du mal à faire entendre au ministère de la Culture. Je le dis : la Coopérative de Mai ne rouvrira que lorsqu'on nous permettra de reprendre les concerts debout et avec une jauge normale (1 500 personnes), sans distanciation. En revanche, nous sommes prêts pour le gel, le lavage des mains, la circulation et les messages de prévention. Là on ne parle que de l'intérieur de la salle. Mais comment faites-vous pour...
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