Alors que le Conseil fédéral s’apprête à révéler les contours de la troisième phase de déconfinement, prévue le 8 juin, le Centre pour l’économie créative de l’Université des arts de Zurich publie une série de notes sur l’impact de la crise pour les milieux culturels. Interview de Frédéric Martel, un de ses auteurs.
Pour Frédéric Martel, aider les milieux culturels n’est pas une option, mais une nécessité. Pour enfoncer le clou, il utilise cette analogie: «C’est comme lorsqu’au début de la pandémie on nous a demandé de protéger les personnes les plus vulnérables: on l’a fait pour elles, mais aussi pour nous tous. Aider la culture, c’est la même chose: on ne le fait pas que pour les artistes, mais pour l’ensemble d’un vaste système économique.»
Journaliste et essayiste, le Français est également professeur d’économie créative à l’Université des arts de Zurich (ZHdK). A ce titre, il vient de cosigner une série de notes analysant les impacts du Covid-19 et de la crise qu’il a provoquée dans les milieux culturels. «Nous avons voulu lancer quelques pistes afin de potentiellement aider certaines prises de position», résume-t-il.
Le Temps: La culture est souvent considérée comme du loisir et du divertissement. Peut-on dès lors déplorer que, parmi tous les secteurs touchés par la crise, elle soit trop souvent en bout de chaîne lorsqu’il s’agit, pour les pouvoirs publics, de la soutenir?
Frédéric Martel: En Europe, il y a généralement eu des réactions immédiates des gouvernements, qui ont rapidement pris la mesure des conséquences que la crise aurait sur la culture. Sans être trop optimiste, je dirais que c’est plutôt une bonne nouvelle. On s’est aperçu que la culture ne se résumait pas à des artistes qui veulent être sur scène. On a notamment pris conscience que quand on se rend dans un festival, comme celui d’Avignon, c’est l’ensemble de l’économie de la ville qui est affecté, des hôtels aux restaurants, en passant par les transports. Il existe tout un écosystème dont on ignore parfois l’existence.
Pour que le Festival d’Avignon puisse proposer 1000 spectacles par jour, vous avez aussi des centaines de sociétés qui travaillent – lumière, électricité, son, image, nettoyage et j’en passe. Je prends cet exemple parce que je le connais bien, mais c’est vrai pour n’importe quel autre festival dans n’importe quelle ville. Une grande partie du tourisme se fait à travers l’attraction des festivals. La culture peut ainsi se définir selon trois cercles concentriques. Le premier, c’est l’art, les artistes; le deuxième, c’est tout ce qui est autour, ce qu’on appelle en anglais les «releted art activities», les industries directement reliées; et il y a le troisième cercle, qui est le tourisme, les communications et le numérique. On a trop souvent tendance à résumer la culture à son centre, sans se rendre compte qu’en ajoutant les deux autres cercles, on a plusieurs millions de salariés.
Le secteur de la culture a en effet un poids économique considérable puisqu’une étude de la Confédération avait avancé en 2015 le chiffre de 70 milliards de retombées directes et indirectes. A l’heure où on parle de l’importance de la relance économique, peut-on dire que plus le redémarrage des activités culturelles sera lent, plus les conséquences pourraient être importantes sur le long terme…
Oui, on peut le dire. Mais cela ne signifie pas que...
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