Foin toute continuité, pédagogique ou culturelle, le metteur en scène Emmanuel Demarcy-Mota assume la crise que nous traversons comme une rupture. L’occasion de vivre le moment confinement mais aussi, et surtout, de se projeter dans un monde à venir. Pour lequel il convient d’ores et déjà, selon le directeur du Théâtre de la Ville, d’inventer de nouvelles institutions et de nouvelles alliances entre les arts, la science, l’éducation et l’écologie.
D’abord artiste, metteur en scène mais aussi très impliqué, depuis longtemps, dans des réflexions sur la politique culturelle, Emmanuel Demarcy Mota dirige deux institutions culturelles majeures : le Théâtre de la Ville et le Festival d’Automne. Confiné comme tout un chacun depuis la mi-mars, il a pris le parti d’une forme de rupture culturelle en refusant de céder à l’illusion d’une simple translation dans le monde numérique de ses activités. La période lui apparaît propice à la réflexion, ou plutôt à l’approfondissement d’une réflexion démarrée bien avant la pandémie et qui le conduit à se donner les moyens de penser le monde à venir, et le rôle que devraient y jouer les institutions culturelles. SB
À quoi ressemble un théâtre confiné ? Comment vivez-vous la situation ?
Dans un théâtre, on est habitués à se voir tous les jours, à se rencontrer, à discuter, à échanger, qu’il s’agisse de réfléchir à la programmation, de travailler avec les artistes. On parle peu au téléphone ou à distance, en fait. Ce sont des rendez-vous essentiellement physiques, en co-présence. Le premier sentiment c’est donc l’étrangeté absolue d’une situation dans laquelle je multiplie les rendez-vous sans voir les gens. Et comme je n’aime pas les vidéo-conférences, tout passe par la voix en ce moment. Il me faut me passer de la présence physique, des acteurs, de la troupe, des compagnies de danse, de théâtre ou de musique, des collaborateurs du théâtre et de son personnel, et a fortiori du public. Et cette absence physique de la relation humaine, prend une dimension très particulière pour nos métiers puisque que le théâtre c’est, selon l’étymologie grecque, l’endroit d’où on regarde. Et là il n’y a rien à voir, personne à voir. Tout doit être pensé, délié de la vue. Je me retrouve à piloter par la voix seulement là où ce qui occupe ma vie d’habitude ce sont les rencontres physiques avec des interlocuteurs venus du monde entier, des rencontres qui passent d’abord par un langage du corps omniprésent, un désir de la présence physique de l’autre, toutes choses au cœur du théâtre.
Le spectacle vivant apparaît comme le domaine de la culture le plus directement et violemment affecté par cette situation…
Je ne sais pas si je suis...
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