Pour le politologue Vincent Guillon, les déclarations de la présidente de la région Pays-de-la-Loire pour justifier ses coupes budgétaires tiennent du désaveu frontal, inédit et sidérant du soutien public à la culture.
«Quelle est la pérennité d’un système qui, pour exister, est à ce point dépendant de l’argent public ?» Dans un post publié sur le réseau X le 12 novembre, la présidente de la région Pays-de-la-Loire, Christelle Morançais (Horizons), fustigeait ainsi les acteurs culturels de son territoire, ces «associations très politisées, qui vivent d’argent public» et qui, semblait-elle dire, auraient le culot de ne pas vouloir participer à l’effort budgétaire national. L’ampleur des coupes budgétaires qu’elle compte opérer est inédite : une baisse de 73 % pour la culture, soit 100 millions d’euros d’économies. L’Etat ne lui en demandait pourtant pas tant, 40 % du montant, le reste tient de la propre initiative de Christelle Morançais. Un geste qui révèle, sous l’argument budgétaire, des positions idéologiques radicales, selon le cofondateur de l’Observatoire des politiques culturelles et professeur associé à Sciences-Po Grenoble Vincent Guillon.
Le geste de Christelle Morançais s’inscrit-il dans la droite ligne de celui d’un Laurent Wauquiez, qui avait lui aussi opéré des coupes massives dans le budget culturel de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) en 2023 ?
Ce n’est pas du tout comparable. La seule chose qui peut l’être, et encore pas tout à fait, c’est que l’agenda budgétaire a permis de révéler un agenda idéologique. Dans le cas de Laurent Wauquiez en Aura, il y avait une justification politique aux coupes budgétaires : celle du «rééquilibrage territorial», en faveur des structures culturelles situées en zones rurales, et en défaveur de celles situées en métropoles. Seule une catégorie d’acteurs était frappée par les arbitrages de la région. On pouvait trouver cette justification fallacieuse et insincère mais elle n’impliquait pas, comme c’est le cas aujourd’hui en région Pays-de-la-Loire, un désaveu généralisé de l’idée même de subventionnement culturel, une disqualification indistincte de tous les travailleurs de la culture. Cette fois, on a changé de registre.
La situation est-elle inédite ?
Si les informations qui circulent sont confirmées lors du vote du budget en décembre, oui, à plusieurs égards. Elle l’est par sa radicalité, par le volume des coupes, par la frontalité, sidérante je dois dire, du désaveu.
La présidente de région parle de la trop grande «dépendance» du secteur culturel à la subvention. Pourrait-il en être autrement ?
Ces activités ne peuvent pas exister sans subventions. Les biens culturels sont déficitaires par nature. Là, on laisse penser que la dépendance à l’argent public serait le résultat d’un manque de volonté et d’une absence totale de remise en question de la part du secteur. C’est une malhonnêteté intellectuelle. Christelle Morançais sait sans doute parfaitement en quoi consiste un service public de la culture. C’est simplement qu’elle n’y adhère pas.
On dit souvent que les régions sont un acteur mineur pour la culture. Ces coupes sont-elles si graves ?
C’est un acteur qui, en termes de niveau de financement et de capacité à structurer le partenariat public, n’est pas considéré comme aussi important que les villes, le bloc local ou l’Etat. Mais elles font partie d’un édifice qui s’effondre si tous les partenaires publics ne sont pas solidaires entre eux. Historiquement, nos politiques culturelles reposent sur des financements croisés. Là, on assiste à une désolidarisation unilatérale, qui fait bien peu de cas des autres partenaires.
Comment les structures culturelles pourraient-elles compenser le désengagement de la région ?
Il n’y a pas de marge de manœuvre, il faut être clair là-dessus ! La seule marge serait celle d’une compensation des autres partenaires publics. Mais toutes les collectivités vont certainement devoir revoir à la baisse leur...
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