Romaric Daurier est directeur du Phénix, scène nationale et pôle européen de création à Valenciennes (59).
Parcours, visions, souvenirs... Jusqu'à fin avril, Culturelink vous invite à découvrir 50 professionnels en vue dans le monde du spectacle.
Depuis quand êtes-vous pro ?
J’ai commencé en 1999, après plusieurs expériences de bénévolats et stages dans le cinéma et les arts visuels.
Après quelles études ?
J’ai fait des études littéraires, et me suis intéressé à la critique. J’ai publié deux essais d’ailleurs, un sur Valère Novarina et sa pratique plastique, un autre sur les écrits du poète Jacques Dupin sur la peinture. L’interdisciplinarité m’a toujours intéressé. Puis un master de développement culturel à Lyon (Arsec). J’ai fait une reprise d’études à 30 ans après 8 années de travail, après des expériences d’administration et de secrétariat général en scènes nationales : un Executive MBA à l’EM Lyon, pour reprendre des bases saines de pilotage d’entreprise et de management.
Votre premier poste ?
Directeur artistique et commissaire d’exposition d’un Centre d’art contemporain, l’Espace Gantner à Bourogne. Dans un village de 800 habitants. Un lieu où j’ai pu expérimenter ce que j’appelle aujourd’hui des « créations contextuelles » avec les habitants.
Trois artistes que vous adorez ?
Julien Gosselin, sans un doute, une aventure artistique rare, inédite, audacieuse.
Boris Charmatz, pour sa danse élargie en recherche.
Rodrigo Garcia, c’est l’un des grands écrivains de théâtre de la fin du xxeme siècle.
Un spectacle qui vous a profondément marqué ?
2666, de Julien Gosselin, d’après Roberto Bolaño. Quand nous avons fait le premier filage au Phénix lors de sa création, après 14h de théâtre, j’ai eu l’impression d’avoir littéralement, physiquement, traversé un univers entier.
Trois professionnels qui ont marqué votre parcours ?
Pierre Bongiovani, directeur du Centre de Création Vidéo de Montbéliard, qui m’a permis de faire mes premiers pas. Un formidable visionnaire injustement oublié.
Salvador Garcia, l’un des grands producteurs en France, qui m’a appris que notre travail, c’est l’art de faire, rêver mais faire.
Le duo Vincent Baudriller et Hortense Archambault : au Festival d’Avignon, contre vents et marées, ils ont ouvert de nouvelles portes pour toute une nouvelle génération de professionnels.
Si vous n’aviez qu’un seul lieu de spectacle à conseiller ?
Le Toonelhuis, dirigé par Guy Cassiers à Anvers, l’une des plus belles maisons de production d’Europe.
Si vous n’aviez qu’un seul festival à conseiller ?
Le festival TNT à Terrassa, en Catalogne, lieu courageux d’émergence qui fait vibrer une petite ville au diapason.
Que détestez-vous par-dessus tout chez les professionnels ?
Le silence. Ne pas parler aux artistes. Le silence est mortel, notre premier travail est la critique, donc la verbalisation.
Votre meilleur souvenir de professionnel ?
Un récurrent : le sourire ou les yeux brillants de l’équipe et des publics quand ils ont été émus par une œuvre.
Votre pire souvenir de professionnel ?
Mes 6 années au Syndeac, on prend des coups tout le temps.
Trois adjectifs pour qualifier la filière culturelle aujourd’hui ?
Émiettée. Disparate. Inouïe. Nous devons complètement remettre à plat l’accompagnement de la création et assumer les choix. Tous les projets ne se valent pas. Et il faut donner du temps en amont des créations.
Qu’avez-vous réussi de mieux dans votre vie ?
Accompagner les artistes, croire en eux, rendre leurs rêves possibles, en découvrir certains.
Vos passions (hors art et culture) ?
Les sports de glisse, passer des heures dans l’eau.
L’autre métier que vous auriez aimé exercer ?
Psychanalyste je pense.
Un conseil à ceux qui débutent dans la filière ?
C’est l’art qui est à la source, donc se ressourcer sans cesse de lectures, de pensées, d’expositions, de spectacles... sans cela il n’y a rien.
Propos recueillis par Agnès Lucas