Les magistrats de la rue Cambon ont analysé les aides spécifiques dans le secteur du cinéma, du spectacle vivant et du patrimoine, durant la crise sanitaire. Tout en soulignant le caractère souvent exceptionnel des aides, la Cour des comptes dénonce le manque de contrôles et d'évaluation.
Des aides élevées, mais peu de contrôle. C'est en substance le message délivré par la Cour des comptes qui a analysé le soutien de l'Etat au secteur de la culture dans le cadre de la crise du Covid.
L'institution de la rue Cambon a audité les dispositifs spécifiques de soutien dans le secteur du cinéma, du spectacle vivant et du patrimoine entre mars 2020 et le printemps 2021.
La pandémie a touché de plein fouet les salles obscures - fermées pendant 162 jours en 2020 - et les tournages ont dû être arrêtés pendant le premier confinement. L'effort financier en faveur de l'audiovisuel et du cinéma a été «exceptionnel», note la Cour des comptes, dépassant les 450 millions d'euros : 405 millions d'euros pour le CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée), soit l'équivalent de neuf mois de dépenses, et 51,6 millions pour l'IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles). Une somme qui s'ajoute aux près de 1,2 milliard d'euros en direction du secteur au titre des dispositifs généraux (chômage partiel, exonérations de charges etc.).
Le soutien de l'Etat a pris des formes très diverses dont le fonds de compensation des pertes des salles de cinéma ou encore l e fonds de garantie en cas d'arrêt des tournages. Les magistrats estiment que si les exploitants et distributeurs ont été « profondément affectés » par la crise, la question se pose en revanche pour les producteurs qui ont pu reprendre les tournages dès mai 2020.
Surcompensation des pertes ?
Hormis une mesure anti-abus pour éviter que le cumul des aides transversales de l'Etat et celles du CNC ne permette à un exploitant d'obtenir une aide publique supérieure à sa perte de chiffre d'affaires, il n'a pas été envisagé de «mesures de contrôle ou d'évaluation ex-post permettant de garantir que les professionnels n'aient pas bénéficié d'une surcompensation de leurs pertes», indique la Cour des comptes. En clair, que certains n'aient pas profité de la crise…
L'institution rappelle aussi que la crise a montré les fragilités de l'industrie et que beaucoup de mesures n'auront pas l'effet structurant nécessaire. «La distinction entre mesures d'urgence et de relance apparaît artificielle».
Dans le spectacle vivant, les critiques sont à peu près similaires. A la mi-mai 2021, 823 millions de crédits exceptionnels ont été mobilisés, pour sauvegarder l'emploi du secteur et à éviter les faillites de structures de création et de diffusion. Ces aides s'ajoutent aux dispositifs généraux et au mécanisme de «l'année blanche» pour les intermittents.
Là aussi, les magistrats estiment que le dimensionnement de ces aides ayant été établi dans l'urgence, «il a obéi à une logique de guichet, et le ministère de la culture n'a pas prévu d'outils d'évaluation pour corriger d'éventuels effets d'aubaine ou de surcompensation». Un jugement un peu sévère alors que la plus grande réactivité était nécessaire.
Effets d'aubaine limités
On peut estimer que ces «effets d'aubaine» ont été limités, dans la mesure où la plupart des acteurs privés ne pouvaient pas exercer leur activité ou du moins pas l'exercer dans des conditions économiques viables. Aujourd'hui encore les billetteries ne repartent pas. Si effet d'aubaine, il y a eu, ce serait plutôt du côté des institutions culturelles publiques, car moins elles jouent, plus elles économisent, la subvention venant compenser le fait que le spectateur ne paie pas réellement le coût de sa place d'opéra, de danse, de théâtre…
De même la Cour pointe «une relative concentration des aides, au bénéfice des...
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