La crise liée au nouveau coronavirus fait craindre un recul du mécénat au profit d’autres urgences, sanitaires et sociales.
Lorsque le jeudi 11 juin, comme chaque matin, Jean-François Chougnet feuillette le quotidien La Provence, le patron du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), à Marseille, ne peut réprimer un sourire. La Caisse d’épargne Provence Alpes Corse, l’un des trois principaux mécènes de son établissement, affirme, dans une pleine page de publicité, son engagement dans la culture et le sport. « Ils nous avaient rassurés au téléphone pendant le confinement, confie M. Chougnet. Mais là, avec en prime une photo du Mucem dans le journal, c’est une déclaration d’amour ! »
Cette communication tombait à pic, alors que la crise du Covid-19 faisait craindre une chute du mécénat culturel au profit d’autres urgences, sanitaires et sociales. Inquiétude confortée par une enquête publiée le 23 juin par l’Admical, association pour le développement du mécénat industriel et commercial. D’après cette étude, 95 % des entreprises interrogées disent avoir réalisé des actions de mécénat spécifiques au Covid-19, ou en avoir l’intention. En outre, 31 % des répondants ont même augmenté leur budget mécénat afin de répondre à l’urgence de la situation.
L’aide en faveur des personnes vulnérables vient en tête des secteurs les plus soutenus (67 %), suivie par la lutte contre le décrochage scolaire (47 %) et l’appui aux établissements de santé (40 %), tandis que la recherche médicale voit sa cote de popularité monter en flèche. Qu’en est-il de la culture ? « Pour le moment, les entreprises renoncent aux opérations de relations publiques, car elles craignent que le public ne soit pas au rendez-vous », admet François Debiesse, patron de l’Admical.
L’Opéra de Paris a ainsi perdu 5 millions d’euros de mécénat sur une enveloppe habituelle de 18 millions. Au Centre Pompidou, à Paris, la perte se chiffre à 2 millions. Trois entreprises sollicitées pour soutenir son exposition-phare de la rentrée, « Matisse, comme un roman » (du 21 octobre 2020 au 22 février 2021), se sont désistées, ce qui représente un trou de 600 000 euros. Fin mai, la Fondation du patrimoine accusait quant à elle une baisse de 45 % au niveau de sa collecte de dons. Mais sa directrice générale, Célia Verot, constate que « les mécènes traditionnels liés par des contrats annuels ou pluriannuels ne se dédisent pas, ne serait-ce que pour une question de réputation et de crédibilité ».
Ainsi, le 28 avril, la Société générale a dégagé un fonds supplémentaire de 2 millions d’euros pour prêter main-forte au monde de la musique. « Nous sommes mécène depuis trente ans, et nous ressentons, face à nos partenaires, la même responsabilité que celle que nous avons en tant qu’employeur vis-à-vis de nos salariés ou de nos clients », insiste Caroline Guillaumin, directrice de la communication du groupe. De même, la Fondation Bettencourt Schueller a ajouté une nouvelle corde à son arc, en soutenant l’opération « Ensemble, enchantons l’été » – à savoir trente événements musicaux et choraux prévus dans toute la France.
Engagement volatil des PME
Fidèle à ses projets éducatifs et culturels, le groupe immobilier Emerige n’a pas davantage réduit la voilure. Au Louvre, où le mécénat représente 8,5 millions d’euros sur un budget de 243 millions, « on constate juste une volonté de certains mécènes de rééchelonner leurs paiements sur le second semestre [2020], voire sur 2021 », précise Yann Le Touher, sous-directeur du mécénat au musée.
L’engagement des PME, foudroyées par la crise, se révèle en revanche plus volatil. Le Louvre-Lens a perdu une demi-douzaine des membres de son cercle d’entreprises, ce qui constitue un manque à gagner de 80 000 euros. Martin Ajdari, directeur général adjoint à l’Opéra national de Paris, identifie pour sa part « un risque de non-renouvellement de cotisation pour une cinquantaine d’entreprises qui versent entre 5 000 et 15 000 euros ». Au château de Chambord, qui a perdu...
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