Réduction de la jauge des salles, repli sur des productions nationales, spectacles-balades… Divers scénarios sont imaginés pour ne pas rompre le lien avec le public.
Plan A, plan B, plan C… : dans les théâtres, les équipes de direction s’activent à mettre en place la saison à venir, en jonglant avec les inconnues : quand les salles vont-elles rouvrir ? Dans quelles conditions, pour le public et les artistes ? Quand et comment les spectacles pourront-ils tourner et les artistes étrangers voyager ? Comment concilier budget et calendrier ? La liste est longue, qui transforme l’exercice en un casse-tête, façon Rubik’s cube, mais développe aussi des capacités d’invention.
La donne change évidemment selon la nature des structures : entre le Théâtre national de Bretagne (TNB), à Rennes, qui normalement propose une soixantaine de spectacles, et l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à Paris, qui en affiche une vingtaine dans ses deux salles, sur des séries longues, les enjeux ne sont pas les mêmes. Ni entre une petite salle comme le Théâtre de la Bastille, à Paris, porté sur l’innovation, et le Théâtre national de Bordeaux-Aquitaine (TNBA), avec sa mission de rayonnement régional. La metteuse en scène Catherine Marnas, qui dirige ce centre dramatique national, avait quasiment bouclé le programme 2020-2021 quand les salles ont fermé. Depuis, elle jongle avec les visioconférences et les rendez-vous par téléphone qui, en ces temps de semi-confinement, ont une vertu : « On peut prendre le temps de parler. »
Dans l’attente du guide des conditions sanitaires
Il y a trois salles (680, 400 et 126 places), au TNBA, dans lesquelles sont prévus une trentaine de spectacles par saison. Pour la prochaine, Catherine Marnas part de l’hypothèse que le théâtre pourra rouvrir début octobre. Puis, comme dans la pièce de Georges Pérec, L’Augmentation, elle décline les cas de figure qui en découlent. Le premier est bien vite oublié, c’est le plus optimiste : tout est rentré dans l’ordre, il n’y a pas de conditions sanitaires à respecter sur scène et dans la salle. Le guide de ces conditions sanitaires, qui devrait être rendu public lundi 18 mai par Franck Riester, le ministre de la culture, est un élément majeur dans l’organisation de la saison.
Catherine Marnas, directrice du Théâtre national de Bordeaux-Aquitaine : « On réfléchit à plusieurs formes : des spectacles-balades, des spectacles en appartement, des monologues dans la grande salle… »
Dans son attente, Catherine Marnas s’en tient à la règle actuelle qui interdit les rassemblements de plus de dix personnes. « On réfléchit à plusieurs formes : des spectacles-balades, des spectacles en appartement, des monologues dans la grande salle… Et si on est dans un scénario intermédiaire entre l’ouverture normale et les dix personnes, c’est-à-dire dans des salles où le nombre de spectateurs est réduit aux deux tiers, on peut imaginer de faire deux représentations dans une même journée, pour accueillir plus de public. » Ce qui induit des spectacles courts : on s’orienterait alors vers le « small is beautiful » dont certains annoncent le grand retour.
Arthur Nauzyciel, directeur du TNB, part du principe qu’il n’y a, à ce jour, aucune certitude et qu’il faut imaginer tous les scénarios possibles, dont celui de la catastrophe – pas de réouverture des théâtres avant janvier 2021 ou même la saison 2021-2022. Pour les questions sanitaires, il préfère se fonder sur les plus sévères dont il a connaissance, celles de Taïwan, qui imposent en particulier une distance de 1,5 m entre deux spectateurs. « Dans ce cas, on peut mettre 200 spectateurs dans la grande salle de 900 places. Les recettes vont plonger parce que le TNB dépend beaucoup de la billetterie. On ne pourra pas accueillir certains spectacles, trop lourds. Mais on pourra en présenter d’autres, comme Mes frères, de Pascal Rambert, qui devait être créé en mai. » Pour le moment, il est prévu que...
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