Le réalisateur de «Leto» et les trois personnes qui comparaissaient avec lui ont été reconnus coupables après trois ans d'un procès kafkaïen. Une condamnation au goût de victoire, dans un pays où la justice est souvent arbitraire.
Où culmine l’absurdité dans l’affaire Serebrennikov ? Dans un dossier judiciaire si manifestement monté de toutes pièces qu’il en relève du théâtre de l’absurde ? Dans ce triste spectacle, typique des tribunaux russes, qui voit la juge lire à toute vitesse et d’une voix monocorde un verdict interminable ? Dans l’attente, sous un soleil de plomb, des centaines de personnes venues ce vendredi soutenir le metteur en scène, toutes rivées à leur téléphone portable à l’affût de la moindre bribe d’information filtrant de la salle d’audience ? Ou bien dans le fait que la condamnation à plusieurs années de prison avec sursis après trois ans d’un procès kafkaïen, de quatre innocents, prenne un arrière-goût d’acquittement ?
La justice, en Russie, n’acquitte pas les innocents
Depuis 11 heures du matin ce vendredi et le début de la lecture du verdict, l’on savait les quatre accusés reconnus coupables. Ce n’est pas une surprise. La justice, en Russie, n’acquitte pas les innocents : elle les condamne à des peines avec sursis, ou à un temps de prison inférieur à celui déjà passé en détention préventive. Alors l’attente continue, s’étire d’heure en heure, pour obtenir la réponse à la seule question qui vaille : Kirill Serebrennikov et ses camarades iront-ils en prison ce soir ? Autour du tribunal, les reporters des chaînes russes d’information en continu essaient désespérément de meubler en revenant sur les détails de l’affaire.
Celle-ci est appelée en Russie «affaire du Studio 7», d’après le nom de l’entreprise fondée par Serebrennikov, en 2011. Figure montante de l’art contemporain russe, Kirill Serebrennikov s’était alors engagé avec le gouvernement russe à créer le programme «Plateforme» pour développer et populariser le théâtre contemporain et le spectacle vivant en Russie. Entre 2011 et 2014, des centaines de spectacles sont ainsi mis en scène dans tout le pays, faisant émerger toute une génération de jeunes acteurs et auteurs talentueux. Le projet prend fin en 2014 sur un constat de réussite. Trois ans plus tard, le 23 mai 2017, Kirill Serebrennikov est interpellé et son appartement perquisitionné. Il est inculpé le 22 août, emprisonné puis assigné à résidence.
«Un signal envoyé à tous les créateurs trop indépendants»
On l’accuse d’avoir détourné 120 millions de roubles (1,6 million d’euros) de financement pour son enrichissement personnel. Les détails de la comptabilité du «Studio 7» passés au crible par les enquêteurs, montrent effectivement des comptes lacunaires, de l’argent disparaissant dans des sociétés annexes, des sommes considérables retirées en liquide. Mais dans le milieu chaotique du spectacle en Russie, il est impossible de...
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