Dans une tribune publiée le 11 octobre dans le Monde, la ministre de la culture, Rachida Dati, a annoncé sa volonté de réformer le Pass culture afin qu’il remplisse mieux sa mission de service public. Qu’est-il donc reproché au Pass culture ?
Un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) a été rendu public qui montre, grâce à une enquête du CSA, que la proportion de jeunes ayant téléchargé l’application varie de 87 % chez ceux issus de parents diplômés du supérieur à 67 % chez ceux dont les parents ont le certificat d’études primaires. La technologie ne fait pas disparaître les inégalités sociales face aux pratiques culturelles. Le goût pour la lecture, le cinéma, les concerts prospère davantage dans les familles qui s’intéressent à ces domaines et ont les moyens de s’y repérer et peuvent (doivent) exprimer leurs pratiques dans leurs relations de sociabilité. Le rapport conclut à « l’existence d’effets d’aubaine ».
C’est indéniable, mais l’argument est étonnant car il vaut pour toute action culturelle. N’y a-t-il donc aucun effet d’aubaine dans l’offre des institutions culturelles ? Si la démocratisation de la culture est l’objectif des musées, comment justifier alors que la part des publics diplômés dans ces établissements soit 3,8 fois plus importante que celle des moins diplômés en 2018 (2,8 fois plus en 1973) ? Et bien sûr cela vaut pour tous les équipements culturels. Si l’élargissement des publics est la vocation de l’Opéra de Paris, que penser de l’âge moyen à 45 ans et de la surreprésentation des très diplômés et des Parisiens dans le public ?
Et, puisque le livre est le premier bien acquis par les jeunes grâce au Pass culture, relevons son importance dans la démocratisation de la fréquentation des librairies. Les données de l’enquête de LObSoCo (L’Observatoire Société et Consommation) montraient que seulement 12 % des 18 ans et plus sans diplôme fréquentaient les librairies. Cette proportion est sans nul doute largement inférieure à celle des jeunes issus de parents non diplômés ayant franchi les portes d’une librairie grâce au Pass culture. Le dispositif permet donc aux libraires de voir des jeunes qu’ils ne verraient pas sans et qui ne sont pas familiers de ce lieu. Et 87 % du panel des libraires interrogés pour l’Observatoire de la librairie considèrent que les jeunes qui utilisent le pass Culture sont un nouveau public. Et d’ailleurs, l’étude d’avril 2023 Le livre sur le pass Culture montrait que 48 % des utilisateurs qui ont réservé un livre avec le Pass culture ont déclaré avoir découvert un lieu d’achat ou d’emprunt de livres en allant retirer leur réservation.
Le Pass culture ne permet sans doute pas beaucoup de renouvellement des publics des institutions culturelles légitimes et d’ailleurs...
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