Après plus de trente années au service de la littérature et de la lecture, la MEL risque la faillite, si le ministère de la Culture ne s’empare pas du sujet, s’alarme sa directrice Sylvie Gouttebaron.
En l’absence de décision du ministère de la Culture, suite à un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac), au printemps dernier pour savoir quel serait l’avenir de la Maison des écrivains et de la littérature, nous craignons désormais sa faillite. Si, les années précédentes, une convention pluriannuelle établie avec la Drac Ile-de-France nous en protégeait, malgré les baisses de subvention, ce n’est pas le cas cette année, cette convention triennale venant à terme fin décembre. Sans garantie aucune, ne sachant de qui va désormais dépendre la Maison des écrivains, nous sommes en droit de nous inquiéter, de nous interroger et de poser à la ministre, des questions fondées. Constat en forme de lettre ouverte de la direction à la ministre de la Culture.
Madame la ministre,
C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, cela veut dire beaucoup. Depuis des semaines, des jours, des heures, nous attendons votre «arbitrage» pour savoir ce que va devenir la Maison des écrivains et de la littérature. Pour savoir, en somme, si elle va avoir un avenir, ou pas, après plus de trente années au service de la littérature, de la lecture, de la transmission, au service aussi des écrivains et de leurs lecteurs, partout où ils les rencontrent grâce à notre travail. Je ne peux pas imaginer qu’il faille autant de semaines, autant de jours, autant d’heures, pour décider du sort d’une institution qui est faite d’humanité.
Dans mon esprit, une telle décision est rapide, prompte, généreuse, joyeuse, d’une énergie réconfortante. Surtout lorsque l’on a le pouvoir de décider, le pouvoir politique qui est le vôtre, d’agir. Si je prends le temps de vous écrire, c’est parce que je crois encore que les mots ont une réelle valeur et qu’ils reflètent profondeur et vérité. Ils creusent nos vies et les relations humaines. Aucun cynisme ne pourra atteindre la substantifique moelle de mon travail. Je persisterai et ne peux donc renoncer.
Nous croyons à la «force des idées»
Depuis que je dirige la Maison des écrivains et de la littérature, des centaines et des centaines d’écrivains, d’écrivaines ont prononcé des paroles gorgées de sens, devant des centaines et des centaines d’enfants et de lecteurs plus avertis, ou pas, de véritables amateurs ou qui allaient le devenir. Ils ont fait bouger des lignes, ouvert des horizons là où parfois, il n’y avait plus rien à espérer. A cela, je ne veux cesser de croire, à cette force qui forge l’avenir. La Maison des écrivains et de la littérature a toujours eu des projets de cet ordre, des projets d’avenir.
Nous croyons à la «force des idées», pour reprendre Alain Supiot. La «crise» empêcherait-elle le financement de cette association ? Mais il est si dérisoire par rapport aux solutions que la Maison apporte. Elles sont justement là pour panser les plaies d’aujourd’hui et de demain, par la parole «en chair vive», fondée, belle, que seuls les artistes du langage, les artisans du verbe façonnent pour nous tous. Dans quelques jours, le sort de la Maison des écrivains sera scellé par le commissaire aux comptes qui fait son travail. Implacablement.
Alors, c’est peut-être un détail pour vous, madame la Ministre, mais demain, si vous n’arbitrez pas, ce qui n’est pas un détail pour nous s’effondrera comme les glaciers, et à sa manière, en s’effondrant, accentuera la crise, la profonde crise qui vient et à laquelle, à notre manière, par la littérature et ses effets, nous apportons réponse. Car il s’agit bien du sens. Insensé serait de clore ce très beau chapitre de la vie littéraire en France, reconnu au-delà de nos frontières, et enterrer ainsi les ressources immenses d’un développement des plus durables, invraisemblablement nécessaire. Avec mes respects.
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