La sécurité, le pouvoir d’achat et l’immigration monopolisent les programmes et discours des candidats à l’élection présidentielle. La culture en revanche est aux abonnés absents. Tour d'horizon.
Il est des symboles tenaces, des mots qu’on ne digère pas. Quand, en mars 2020, au pic de la pandémie, la culture est jugée non essentielle, le fossé se creuse entre Emmanuel Macron, qui tarde aujourd'hui à annoncer sa candidature, et le monde de l’art. Le milieu a gardé un souvenir amer de son hallucinante intervention télévisée de mai 2020, quand en bras de chemise, le président enjoint les artistes à « enfourcher le tigre », pendant que Franck Riester, alors ministre de la Culture, prend des notes comme un bon petit élève. D’aucuns y ont vu du mépris. Pourtant l’exécutif a dépensé sans compter. Les intermittents ont bénéficié de deux années blanches, les artistes du fonds de solidarité et les musées sous perfusion ont échappé à la faillite qui guette leurs homologues américains. Au total, 14 milliards ont été mobilisés pour la culture depuis le début de la crise. Sans oublier l’enveloppe de 30 millions d’euros que se partageront 264 projets sous le libellé des « Mondes nouveaux ». Pourtant rien n’y fait : le stop and go imposé à tous les lieux de culture a laissé des traces.
Lorsqu’Emmanuel Macron accède au pouvoir en 2017, le monde de la culture se plaît à rêver. Imaginez, l’ancien assistant du philosophe Paul Ricœur, un féru de théâtre, capable de citer René Char ou André Gide et qui ne rate aucune exposition du Centre Pompidou. Cerise sur le gâteau, il nomme comme ministre de la Culture une femme du sérail, l’éditrice Françoise Nyssen. Les espoirs – immenses – sont vite douchés. Françoise Nyssen saute au bout de 17 mois. Franck Riester ne fait pas davantage long feu. Sans l’en informer, Macron nomme le général Jean-Louis Georgelin comme représentant spécial chargé de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame. En cinq ans, il aura achevé ce que François Hollande avait commencé : affaiblir le ministère de la Culture, résumé désormais à un simple guichet.
Macron : un axe peu lisible
Roselyne Bachelot distribue l’argent. Mais sur les dossiers qui comptent, comme les nominations, elle est inaudible. Quand elle défend une reconduction de Jean-Luc Martinez au Louvre, Emmanuel Macron choisit de nommer Laurence des Cars. Sur ce terrain très régalien, comme pour tous les enjeux stratégiques, le président jupitérien décide seul. Il a bousculé le statu quo en nommant le très disruptif Chris Dercon au Grand Palais. Il a affirmé son attachement à la diversité en choisissant Pap Ndiaye au Palais de la Porte Dorée. Emmanuel Macron prend son temps, quitte à faire tarder une nomination, comme ce fut le cas à la Villa Médicis et au Palais de Tokyo.
S’il fallait trouver un axe à une politique culturelle qui manque de lisibilité, ce serait sans doute le souhait de démocratisation culturelle. L’exécutif a ainsi lancé, depuis 2017, 130 Micro-Folies à destination des publics « éloignés de la culture » et depuis l’automne 2021 un Pass Culture offrant 300 euros aux jeunes de 18 ans. La préservation du patrimoine n’est pas en reste. Avec une cagnotte de 131 millions d’euros abondée principalement par la Française des Jeux, la mission patrimoine confiée à l’animateur Stéphane Bern a financé la restauration de 627 monuments. Emmanuel Macron est surtout le premier président à avoir pris à bras le corps le sujet des restitutions en Afrique, en commandant un rapport explosif sur le sujet à Bénédicte Savoy et Felwine Sarr. Après la restitution du sabre d’El-Hadj Oumar Tall au Sénégal en 2019, celle de la couronne de dais de la reine Ranavalona III à Madagascar en 2020, et les 26 pièces du trésor d’Abomey au Bénin en novembre, le retour d’un tambour parleur Ebrié, réclamé par la Côte d’Ivoire, a été annoncé. À l'actif également du quinquennat Macron, l'adoption définitive d'une loi pour la restitution d'œuvres aux ayants droit des victimes de persécutions antisémites – même si c'est Roselyne Bachelot qui fut à la manœuvre et qu'il reste beaucoup à faire, avec une mission de recherche (Zivie) encore trop faiblement dotée.
À droite, des relations compliquées avec la culture
Qu’en est-il des concurrents au titre ? À droite, la candidate LR Valérie Pécresse, qui dirige aujourd’hui la région Île-de-France, n’est pas très aimée du monde de la culture. Il faut dire que son arrivée à la tête de la plus riche région de l’Hexagone s’est soldée par la fermeture du Festival d’Île-de-France, de l’Association régionale d’information et d’actions musicales (Ariam) et de l’Observatoire du livre et de l’écrit en Île-de-France (MOTif). Valérie Pécresse a beau répéter qu’« il n’y a pas de grande nation sans une culture affirmée », pour l’heure le flou domine. Elle promet de mettre l’accent sur l’éducation artistique...
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