DÉCRYPTAGE - Si le sujet est rarement au cœur des campagnes électorales, cette fois la guerre en Ukraine et le Covid-19 l’ont occulté. Considéré comme un secteur économique fort, il est pourtant jugé fondamental par la plupart des candidats.
Faut-il organiser un déplacement autour de la culture et des arts pour le président-candidat Emmanuel Macron? Dans son équipe de campagne, les avis divergent sur l’opportunité d’afficher le président au milieu d’artistes ou au pied d’un monument. «Vous l’imaginez regarder des beaux tableaux alors que la guerre en Ukraine, pour laquelle il est très impliqué, fait rage? C’est impossible!», estime un de ses soutiens qui a été à la manœuvre pour son programme culturel avec une nuée d’autres personnes, dont Stéphane Bern, l’ancien conseiller culture de l’Élysée Sylvain Fort, la députée Aurore Bergé ou Noël Corbin, du ministère de la Culture.
Se présentant comme celui qui rassemble et coordonne réflexions et propositions, Jean-Marc Dumontet, proche de Macron et par ailleurs propriétaire de plusieurs théâtres en France, s’inscrit en faux: «Il faut voir comment les choses évoluent, mais ce n’est pas exclu que le candidat fasse une sortie culture dans les prochains jours», calcule-t-il. Dumontet a en tête le souhait d’Emmanuel Macron de se rendre sur le chantier du château de Villers-Cotterêts dans l’Aisne, autour du 22 mars - soit en pleine semaine de la langue française. Le château Renaissance est en train de se transformer en une Cité de la francophonie, grâce à la volonté présidentielle. Emmanuel Macron, qui en a fait une priorité, y compris budgétaire, s’y est déjà rendu à plusieurs reprises. Mais plus personne ne sait si l’affaire tient encore la corde. Et si c’est bien sous la casquette de candidat, et non pas de président de la République, qu’il se déplacerait dans l’Aisne. «Vu le contexte international, on gère l’agenda de campagne à deux jours», regrette Jean-Marc Dumontet.
Une campagne pas comme les autres
La présentation du projet pour les cinq années qui viennent du candidat Macron, hier, a un peu relancé ses espoirs. Au milieu d’un discours-fleuve, Macron a glissé son souhait que la France demeure une puissance créatrice, annoncé une relance de la commande publique d’artistes, ainsi que la création d’un métavers européen. C’est peu, mais c’est déjà ça - le président aurait pu se contenter de défendre son bilan et ne pas dire un mot de la culture.
Cette dernière est rarement au cœur d’une campagne pour la présidentielle. Cette fois-ci, le sujet peine carrément à émerger, au milieu de la crise sanitaire et de ce conflit ukrainien qui dévore les énergies - à commencer par celle du président de la République. Sondage après sondage, les Français réclament des mesures autour de l’emploi, du pouvoir d’achat et la sécurité, rarement sur l’avenir des musées ou de l’éducation artistique à l’école. «Dans les meetings et les réunions publiques, on sent que la liberté d’expression ou la place des artistes et du lien social qu’ils créent, sont des questions essentielles», jure Carine Rolland, adjointe à la culture de la candidate PS, Anne Hidalgo. «Mais les médias semblent ne pas en avoir conscience et font l’impasse sur l’avenir de la politique culturelle ou de la création.»
Qu’importent les raisons. En dépit d’une indifférence supposée, tous les partis ont décliné des mesures pour le patrimoine ou les artistes dans leur programme. Par conviction ou parce qu’ils savent qu’un candidat perçu comme indifférent à la lecture et aux arts a peu de chance d’arriver à l’Élysée. «Même dans cette campagne si particulière, où le débat a été tronqué, la culture reste un thème fondamental», affirme Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France et soutien de la candidate LR Valérie Pécresse. «Il permet de parler d’un secteur économique fort dans notre pays, et d’aborder la question de l’identité française dans une optique de rassemblement plutôt que de division», poursuit-il, en jetant une petite pierre dans le champ de l’extrême droite. Porte-parole de Pécresse, Florence Portelli vient de convaincre la candidate LR d’organiser une «séquence» culture, lundi prochain, au Théâtre La Bruyère à Paris. «Les milieux culturels sont moins à gauche qu’on ne le pense, mais ils ne voteront pas pour Éric Zemmour ou Marine Le Pen», calcule la sénatrice LR Laure Darcos, autre soutien de Pécresse. «Il y a un créneau pour nous, puisque chacun reconnaît que la présidente de la région Île-de-France a un bon bilan patrimonial et culturel.»
Trouver une idée "clivante"
Le meeting de lundi, décidé «à l’arrache» selon l’expression de son équipe, a été organisé alors que le candidat Zemmour vient de publier ses propositions autour de la culture et qu’elles sont plus développées qu’escomptées par ses adversaires. Alors que Reconquête! avait, dans un premier temps, semblé réduire la culture à la sauvegarde de l’identité française, le candidat s’engage désormais à investir 2 milliards d’euros dans le patrimoine, plaide pour des subventions accordées à des productions cinématographiques assurant la promotion et la diffusion de la culture française et européenne, et égratigne au passage le ministère de la Culture. Il y a de quoi creuser un écart avec la gauche et l’extrême gauche, réputées proches des artistes, mais aussi braconner sur les terres des LR. «Il nous pique nos idées», a grincé l’entourage de Valérie Pécresse lorsqu’il a pris connaissance du programme de Reconquête!
Pour se faire entendre, il faut pourtant arriver à donner un peu d’électricité aux thèmes culturels, et trouver une idée «clivante» pour reprendre un néologisme en vogue dans les QG de campagne. Ce qui, jusque-là, a cruellement manqué, en dehors de la question de la redevance télé. Alors qu’elle représente 3 milliards d’euros par an, Emmanuel Macron a annoncé son intention de la supprimer. De quoi mettre en péril l’audiovisuel public, alors qu’Éric Zemmour et Marine Le Pen n’ont pas caché leur souhait de privatiser France Télévisions et Radio France, qualifiés de «sièges d’une idéologie de gauche». L’idée, en revanche, a fait trembler la gauche, à commencer par Jean-Luc Mélenchon, qui préconise un triplement du budget de l’État pour la culture et les médias (de 7 à 24 milliards d’euros, soit 1% du PIB).
Homme de lettres, écouté chez les enseignants, le candidat LFI a regretté que la culture soit absente des débats. «On parle de la sécurité et de l’immigration. Mais on a un mal de chien à faire émerger d’autres sujets. Je veux que la France rayonne par sa culture (…) les êtres humains sont des êtres de culture», avait-il twitté, à la veille de l’éclatement du conflit en Ukraine.
Sentant qu’il y a un créneau, il s’apprête à présenter son «livret thématique culture», aujourd’hui vendredi 18 mars. À ses côtés, se tiendront...
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