Philippe et Martine ont plus de 61 ans. Ils ne peuvent toujours pas partir à la retraite. Ils sont intermittents du spectacle à Nantes. La réforme, c'est la double peine selon eux.
« Je vais cotiser un trimestre de plus », affirme Philippe Gallis, technicien polyvalent, à l’Opéra de Nantes notamment. Membre du bureau national Synptac CGT, ce futur retraité aura 62 ans à la fin de l’année, mais si la réforme des retraites passe, il ne pourra partir qu’à 64 ans et demi.
« Je travaille depuis que j’ai 17 ans, j’arrive à 62 ans et je ne peux pas partir à la retraite », se révolte-t-il. Sachant qu’a priori, sans la réforme des retraites, il ne pourrait de toute façon pas partir avant 63 ans, a-t-il calculé.
La carrière discontinue des intermittents
Les travailleurs dans le milieu du spectacle, communément appelés intermittent du spectacle, en raison de leurs contrats à durée déterminée dit « d’usage », ont souvent « des trous » dans leur carrière, ce qui les fait déjà partir plus tard à la retraite à taux plein.
« On a des métiers à carrière hachée. Moi j’ai un trou de deux ans, car je me suis formé », explique Philippe. « On se forme beaucoup dans nos métiers », confirme Martine Ritz, 64 ans, membre du bureau national SFA, comédienne et toujours pas à la retraite.
Cette dernière ne pourra en bénéficier qu’à seulement 65 ans, en raison de sa carrière discontinue, réforme ou pas réforme. « Je ne suis toujours pas à taux plein, et pourtant je ne considère pas avoir eu une mauvaise carrière », affirme-t-elle avant d’estimer, qu’avec la nouvelle loi, les femmes qui auront fait comme elle, risquent de partir à 68 ans. Cette réforme des retraites pourrait donc bien aggraver leur situation.
« Il n’y a pas beaucoup de rôles de vieux »
La fin de carrière d’un intermittent du spectacle peut ne pas être simple, surtout s’ils doivent partir plus tard à la retraite. « Les employeurs ne se jettent pas sur nous, lâche Martine. Les artistes sont impactés par la nature de leur rôle. Il n’y a pas beaucoup de rôles de vieux. » Sachant qu’à 55 ans, on peut encore avoir des enfants en étude longue. « C’est compliqué d’assurer financièrement », poursuit-elle.
Le technicien polyvalent, Philippe, fait le même constat : Ça ferme des portes quand on approche de la retraite. Il n'y a plus d'espace pour les personnes qui ont plus de 50 ans. C'est compliqué de se faire embaucher dans le monde du spectacle, comme ailleurs.
Philippe donne l’exemple des postes de permanent, attitré à un lieu en particulier, comme régisseur de plateau, auquel il pourrait prétendre au vu de son expérience. Mais il y en aurait peu, selon lui, et le plus souvent, ils sont donnés à des plus jeunes que lui.
« Je ne peux plus monter à 25 mètres de haut, ce n’est plus possible »
La pénibilité de leur métier ne facilite pas non plus leur fin de carrière. « Je suis technicien polyvalent, je monte des structures, des plateaux, je fais de la machinerie, je conduis des nacelles… », énumère-t-il.
Sauf que depuis deux ans, il y a des métiers qu’il ne peut plus pratiquer. « Je ne peux plus monter à 25 mètres de haut, ce n’est plus possible, c’est dangereux. J’ai des métiers qui se ferment à moi », explique Philippe.
Alors qui dit moins de travail dit moins d’heures, et donc un risque de perdre son indemnisation (lire encadré plus haut), et de voir son âge légal de départ à la retraite reculé.
Une pénibilité non reconnue
D’autant plus que la pénibilité de leur métier n’est pas reconnue. Travaillant de nuit comme de jour, et faisant parfois de longues distances, doublées d’un montage et d’un démontage de décors, ces techniciens sont amenés à être très fatigués s’ils enchaînent les dates. « Il y a des périodes où je n’arrive pas à récupérer », indique Philippe.
« On a une pénibilité contrainte par la force des choses », poursuit-il, en faisant référence à la fragilité que peut connaître son statut d’intermittent. Il est difficile de dire non à un employeur, pour faire « une pause », par peur de ne pas avoir assez de...
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