Un mouvement social touche depuis plus d’un mois la Philharmonie de Paris. Des personnels d’un sous-traitant réclament de meilleures conditions salariales. Les négociations sont au point mort et les contrats de trois précaires ayant participé à la contestation n’ont pas été renouvelés.
Leurs noms ont disparu des plannings du jour au lendemain. Trois hôtes et hôtesses d’accueil à la Philharmonie de Paris ont découvert le 23 novembre que leur contrat ne serait pas renouvelé le mois suivant.
Employé·es par City One, prestataire de la Philharmonie, ces trois étudiant·es étaient en CIDD, des contrats de prestation précaires reconductibles à souhait. Ou susceptibles, à l’inverse, de n’être pas prolongés. « C’est pour faire un exemple, City One coupe quelques têtes pour mettre fin à la contestation », avance Hervé*, l’un des salariés non reconduits. « Nous étions tous les trois sur les piquets de grève, depuis le début. »
Sollicitée par Mediapart, la société répond qu’« il n’y a pas de causalité entre les personnels faisant grève et l’arrêt de contrats ».
Le mouvement social, qui porte sur les salaires et le montant du panier repas, a débuté le 20 octobre. Depuis, des salarié·es se mettent en grève ponctuellement, perturbant les accès aux expositions ou tractant à l’entrée des concerts, comme Mediapart l’a détaillé fin octobre.
Des négociations ont été ouvertes par City One mais l’éviction des trois CIDD au planning a échauffé les esprits et gelé la dernière séance de discussions, vendredi 25 novembre. « Nous avons quitté la table au bout de dix minutes », explique Hervé qui participait jusqu’alors aux échanges.
City One affirme de son côté que « les sujets relatifs aux négociations en cours n’ont pas pu être évoqués », à cause de « préalables » formulés par les salarié·es et auxquels la direction refusait de céder. Elle cite par exemple la volonté des salarié·es d’exclure une responsable de site des négociations, ce que « la direction de City One Events n’approuve pas ». Quant aux CIDD, elle maintient « qu’en aucun cas il ne s’agissait de licenciement [terme utilisé par les grévistes – ndlr] mais du non-renouvellement des contrats CDD ».
Hervé, étudiant en licence de 22 ans, et non renouvelé, enchaînait les CIDD à la Philharmonie depuis septembre 2021. Son contrat s’est terminé le dimanche 27 novembre. En décembre, il ne pourra plus compter sur les 600 euros mensuels que lui apportait ce « job étudiant fixe, qui évitait de faire des missions à droite et à gauche ».
« City One nous dit que nous ne correspondons plus aux standings de l’entreprise et nous reproche des retards ou de mauvais rapports sur notre travail », poursuit Hervé, qui dénonce une décision « totalement arbitraire » et insiste sur l’ancienneté des trois CIDD : « Plus d’un an pour deux d’entre nous. Trois ans et demi pour un autre. C’est évident, nous sommes jetés dehors pour avoir fait grève.»
" On a commencé à quatre et nous sommes de plus en plus nombreux ! " - Une salariée en CDI
Auprès de Mediapart, l’entreprise conteste formellement : « City One Events emploie plusieurs milliers de salariés sur la France entière dans le cadre de prestations ponctuelles. Plusieurs salariés dont les trois agents d’accueil sus-évoqués sont affectés à des prestations ponctuelles : l’accueil des concerts et l’accueil de l’exposition Musicanimale qui prend fin le 29 janvier 2023. Le contrat de ces trois salariés arrivait à leur terme le 30 novembre et la direction n’a pas souhaité conserver ces personnels dans l’effectif au regard de la qualité des prestations fournies. »
Sasha*, également salariée du sous-traitant, mais en CDI, ne croit pas à ces arguments : « C’est une menace envoyée aux autres grévistes ou à ceux qui hésitaient à entrer dans le mouvement. City One voit que le conflit prend de l’ampleur. On a commencé à quatre et nous sommes de plus en plus nombreux ! »
Le 19 novembre, une grève a contraint la Philharmonie à fermer deux expositions pendant une dizaine de minutes, comme l’a raconté le quotidien Libération. Quatre jours plus tard, City One a diffusé une note de service pour le moins tranchante, intitulée « Mouvement social Philharmonie – décision unilatérale de l’employeur ».
Le sous-traitant y annonce, sans « [remettre] en cause les négociations actuelles », une revalorisation, au 1er novembre, du panier repas porté à 5,40 euros contre 3,05 euros ; une majoration de 20 % « dès le premier dimanche travaillé » ainsi qu’une revalorisation rétroactive au 1er octobre des « taux horaires des chefs d’équipe et responsables accueil VIP ».
Faisant valoir l’urgence d’agir pour les salarié·es face « aux conséquences de l’inflation », City One assume dans cette note le caractère unilatéral des mesures et déplore l’attitude des grévistes. « La direction a reçu depuis le début du mouvement social pas moins de 4 listes de revendications [et] n’a eu de cesse de chercher des accords qui ne semblaient jamais satisfaire nos interlocuteurs », souligne le texte, distribué à l’ensemble des salarié·es de la Philharmonie.
« Ce communiqué partial a été envoyé à tout le personnel [...] dans le but de nous faire apparaître comme une masse bruyante, capricieuse et désorganisée », ont rétorqué les grévistes dans un communiqué. « En réalité, la grève a été notre dernier recours après de nombreuses tentatives infructueuses de conciliation, et la réaction de City One Events continue de prouver à quel point elle était nécessaire », ajoutent les contestataires.
Le dilemme de la sous-traitance
Au cours de la dernière séance de négociation, finalement abrégée, ces salarié·es comptaient réclamer un panier repas à 7,90 euros et une majoration de 50 % les dimanches et jours fériés. La réintégration des trois CIDD non renouvelés est venue s’ajouter à la liste des revendications. « Les représentants de la Philharmonie n’étaient même pas là, affirme Hervé. Cette fois, ils ne sont pas venus négocier, car la grève du 19 novembre a perturbé des expos. »
Dans notre précédent article sur ce conflit social, le directeur général adjoint de la Philharmonie avait volontiers concédé que le recours à la sous-traitance posait certaines questions. « Nous prenons le prestataire le mieux-disant sur les prix et c’est tout le dilemme de la prestation de service. Si les conditions des salariés ne sont pas bonnes, cela nous revient en pleine figure », avait déclaré Thibaud de Camas.
Les hôtesses et hôtes d’accueil grévistes le scandent d’ailleurs depuis le début du conflit, leur but est aussi de...
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