Celui qui a dirigé le Festival d’Avignon de 2014 à 2022 devient directeur artistique de cette institution appartenant à la ville de Paris. Une nomination étonnante, alors que Valérie Chevalier et Sandrina Martins, candidates passionnantes et singulières, avaient été désignées finalistes.
C’est donc Olivier Py ! Olivier Py, que la rumeur disait ces dernières semaines hors course, qui aura donc la charge de réveiller le théâtre du Châtelet, beau comateux, le soigner, le bichonner, le sortir de son cul-de-sac invraisemblable, et d’en faire véritablement ce théâtre musical, populaire, de qualité, largement ouvert au public, jusqu’à ce qu’on oublie totalement, nous les grands amnésiques, dans quel piteux état il macère depuis 2017. C’est lui qui devra lui redonner un élan vital, une direction artistique et offrir une sortie économique à ce fleuron municipal, financé en grande partie par la ville, qui le dote de près de 15,3 millions d’euros, et merveilleusement situé au cœur du vieux Paris, à trois pas de Beaubourg. Qui dit mieux ?
A 57 ans, Olivier Py n’aura donc pas été longtemps désœuvré. «Grand serviteur de l’Etat», comme il se qualifie lui-même, il a été successivement et sans répit, directeur du théâtre de l’Odéon de 2007 à 2012, puis à la tête du Festival d’Avignon de 2013 à 2022, sans jamais cesser d’écrire, de publier, de mettre en scène Claudel, Eschyle, Shakespeare, et bien d’autres, ainsi que ses propres œuvres torrentielles et lyriques – créations diversement appréciées, tout comme ses choix de programmation, parfois égratignées dans nos colonnes.
Indignation
Olivier Py ? 57 ans, à la tête du Châtelet, est-ce une surprise ? Cela confirme en tout cas la thèse que les grosses institutions reviennent très majoritairement à la gent masculine, et que lorsqu’on a été en place, on le reste, on s’agrippe, quel que soit son bilan, et la nécessité de sortir du jeu des chaises musicales. En effet, jusqu’à une date récente, tout était censé se jouer entre deux femmes, Valérie Chevalier et Sandrina Martins, respectivement directrice générale de l’opéra-orchestre de Montpellier – mais punk dans son jeune âge – et directrice générale du Carreau du Temple après avoir été secrétaire générale d’Actoral, haut lieu des écritures scéniques contemporaines.
Deux candidatures passionnantes, et nouvelles en tout, qui aiguisaient la curiosité… Dans un long tweet, l’autrice et l’élue écologiste au Conseil de Paris Alice Coffin, au conseil d’administration du théâtre, qui faisait partie du comité de sélection, crie son indignation : «Deux femmes aux excellents dossiers ont été retenues. Un choix unanime. Le choix final aurait dû se faire entre elles. Mais c’est Olivier Py qui a été repêché. Au détriment de dossiers jugés meilleurs. C’est un scandale, et l’illustration exacte de comment fonctionne l’entre-soi au sein des institutions culturelles. Toute ma solidarité aux femmes injustement évincées.»
Tandis que de son côté la maire socialiste, Anne Hidalgo, salue, également dans un tweet, «l’immense artiste» et la «promesse assurée d’audace, de joie, de surprise, et d’impertinence» qu’elle voit en Olivier Py.
Gestion outrageusement dépensière et conflits inextricables
Impertinence, on ne sait pas. Mais musicalement, il y a des chances pour qu’Olivier Py creuse aussi bien le sillon du cabaret – dont on sait que le père de Miss Knife, son double travesti, est friand – qu’il n’emprunte le boulevard opératique. L’ambition et sa mission sont aussi de réussir à ce que les deux théâtres qui se regardent en chien de faïence communiquent enfin, puissent parfois faire tables et projets communs, les employés du Théâtre de la Ville étant cependant rémunérés 30 % de moins que ceux du Châtelet, ce qui risque de refroidir les agapes. On peut rêver de...
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