Le Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles (SYNDEAC) publie une feuille de route pour une décarbonation du spectacle vivant et appelle de ses vœux à une véritable « mutation écologique » du secteur. Un rapport extrêmement audacieux puisqu’il place en son cœur la perspective d’un ralentissement de l’activité. Ce « faire moins pour faire mieux » dessine-t-il un avenir désirable ?
A défaut du Ministère, le SYNDEAC prend en main la mutation écologique du secteur du spectacle vivant subventionné et ça dépote « C’est le résultat d’un travail entamé il y a deux ans », explique son président Nicolas Dubourg, un travail qui vise « à éviter de renouveler les erreurs du passé » et qui s’attaque de front à « un système productiviste qu’on n’a jamais réellement interrogé ». Le changement de paradigme est fort. Lisez plutôt côté constat: « “Toujours plus” de créations voient le jour chaque année dans de mauvaises conditions de production et sans possibilité d’être véritablement diffusées, “toujours plus” de spectacles souffrent ainsi de n’être que très peu montrés, “toujours plus” d’équipes artistiques vivent sous la contrainte de la nouvelle création comme seul moteur de l’emploi et donc de la survie économique. Tout cela représente un immense gâchis que chacun, à sa place spécifique dans la chaîne de production, observe à regret. »
Côté remède, le rapport ne perd pas de sa puissance. Face à cette surproduction de spectacles, la solution que propose le SYNDEAC – et c’est une vraie révolution – étant bien de « ralentir ». Nicolas Dubourg refuse le terme de décroissance. Le rapport explique que ralentir « n’est pas synonyme d’économie budgétaire, au contraire». Le syndicat prône en effet de produire mieux, et par exemple de mieux prendre en compte les temps de recherche, de création, de répétition, de transmission dans la rémunération des artistes. Il y a un an, un rapport de la Cour des comptes chiffrait qu’en moyenne, un spectacle se produisait seulement 3,7 dates dans un CDN et 2,3 dans une Scène Nationale. Et le constat n’est pas neuf. En 2004 déjà, le rapport Latarjet pointait que « c’est l’état de surproduction, résultat d’une absence de régulation, qui est la cause principale des difficultés constatées au plan de la diffusion ». Cela fait donc longtemps que la politique de l’offre issue des années Malraux et Lang est montrée du doigt. Elle avait conduit à tripler le nombre d’intermittents entre 1987 et 2002. Mais parallèlement aussi à ce que les artistes intermittents ne travaillent plus que 44 jours en moyenne en 1999 contre 82 en 1987. Dans ces conditions, on voit mal aujourd’hui comment un ralentissement ne mènerait pas à une diminution du nombre de salariés du spectacle.
« Forcer le politique à nous conduire à la raison »
« On ne dira jamais qu’il faut moins d’artistes », reprend Nicolas Dubourg. Qui rappelle aussi que cette politique de l’offre orientée vers le toujours plus de spectacles a conduit à une précarisation accrue de la profession, à une concurrence de plus en plus effrénée entre les artistes, les lieux, les festivals, à des conditions de travail de plus en plus éprouvantes et épuisantes pour toutes et tous mais aussi à un vrai gâchis du point de vue écologique. « On a atteint un niveau du nombre de dates terrifiant. On est dans l’usage unique, le prêt à jeter » termine-t-il.
Dans cette perspective, le rapport articule donc des engagements pris par les membres du SYNDEAC – plus de 450 structures – et des demandes adressées aux pouvoirs publics. Au cœur de ce ralentissement, il y a notamment la fin des appels à projets, des modes de subventions actuels qui encouragent la production à tous crins. Mais aussi du côté des festivals et des institutions l’engagement par exemple de renoncer aux clauses d’exclusivité et la mise en place d’outils de mutualisation et d’optimisation des tournées afin d’éviter d’inutiles coûts de transport. 11 engagements et 7 propositions « pour forcer le politique à nous conduire à la raison », selon les mots d’Aurélien Barrau, structurent cette passionnante feuille de route « adoptée à l’unanimité » qui a, de plus, le mérite de...
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