Malgré le retour du public, le secteur du spectacle fait face à l’inflation des coûts énergétiques, aux hausses de salaires et aux baisses des aides publiques.
L’accalmie a été de courte durée. Les salles de concerts, de spectacle et de théâtre sortent à peine la tête de l’eau en termes de fréquentation – les plus grandes ont retrouvé leur public, mais les moyennes et les plus petites n’ont pas récupéré, loin s’en faut, leur étiage pré-Covid-19. Or cette reconquête se double d’un faisceau de difficultés financières qui conjugue l’inflation des coûts énergétiques, l’envolée des cachets des artistes, les hausses salariales, une baisse des aides publiques… Au point où bon nombre se demandent comment continuer à produire des spectacles jusqu’à la fin de l’année.
Pour Vincent Moisselin, directeur du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), qui représente 450 structures dont la grande majorité des centres dramatiques nationaux (CDN), la question de la fréquentation appartient au passé : « Depuis septembre, le public est revenu à 95 % de son niveau d’avant-crise », dit-il. « Les jeunes ont une furieuse envie de sortir et les concerts de musique urbaine font salle comble, confirme Malika Seguineau, directrice générale du Prodiss, l’organisation patronale des principales entreprises du spectacle musical et de variété. Les têtes d’affiche et les grands concerts se vendent très bien, même si cela s’avère plus tendu pour certains festivals. » Les billets même très chers pour Indochine, Orelsan, Red Hot Chili Peppers ou Coldplay sont partis très vite. La tendance est à l’optimisme aussi pour Aurélie Hannedouche, directrice du Syndicat des musiques actuelles (SMA), qui confirme « un rebond des ventes de places de concert en fin d’année » chez ses adhérents.
Même constat à Paris La Défense Arena, où la vice-présidente, Bathilde Lorenzetti, prévoit comme en 2022 un sold out pour les grands concerts à venir de Bruce Springsteen, Céline Dion ou Stromae. La Seine musicale a aussi affiché complet pour Starmania, et 90 nouvelles représentations – conditionnées au succès de cette première salve – ont été confirmées pour novembre 2023.
Dans le même bâtiment, Insula Orchestra, l’orchestre sur instruments d’époque de Laurence Equilbey, est plus à la peine : il a manqué au moins 15 % d’auditeurs par rapport à 2019. Selon Jean-Philippe Thiellay, président du Centre national de la musique (CNM), « les salles de moins de mille places souffrent énormément, leur fréquentation reste à – 35 %, voire – 40 %, par rapport à 2019 ». Les recettes de billetterie prévues pour 2022 devraient ressembler à celles d’avant-Covid-19, ce qui s’explique uniquement par le retour en grâce du public dans les salles de plus de 5 000 places (+ 15 % à 20 % par rapport à 2019).
Cette tendance se confirme aussi dans les théâtres. Bertrand Thamin, président du Syndicat national du théâtre privé (SNTP), qui en regroupe une centaine, se félicite que le public soit revenu, mais note une « situation de plus en plus contrastée » entre « des représentations qui marchent très fort et d’autres pas du tout ». « A nous d’être suffisamment bons pour donner envie aux spectateurs de venir ! », lance Jean-Marc Dumontet, à la tête de six théâtres parisiens privés.
« Grosse tension budgétaire »
La fréquentation a chuté de 20 % entre 2022 et 2019 dans 28 des 38 centres dramatiques nationaux (CDN), selon les premiers résultats d’une enquête, indique Joris Mathieu, directeur du Théâtre nouvelle génération (TNG) à Lyon. La clientèle plus âgée, toujours frileuse face à la pandémie, a encore du mal à revenir. L’inflation des prix, et donc la baisse du pouvoir d’achat incitent aussi à minorer les sorties et les loisirs, des jeunes comme des plus âgés, constate-t-il. Un problème majeur aux yeux de Stéphane Braunschweig, directeur de l’Odéon, qui offre 200 places aux moins de 28 ans tous les jeudis.
« Ce qui nous angoisse, ce sont les problèmes liés à l’inflation, aux revendications salariales et aux coûts de l’énergie », affirme le directeur du Syndeac. Jean-Philippe Thiellay ne cache pas non plus « une vraie inquiétude pour 2023 » pour des centaines de lieux et de festivals. « Pour eux, une baisse de recettes réduit à néant des marges déjà très faibles, mais là, la hausse des dépenses est très inquiétante », prévient-il.
Le directeur de l’Odéon doit faire face à « une grosse tension budgétaire », entre l’augmentation des salaires de 130 équivalents temps plein et un doublement du prix de l’énergie par rapport à 2019. « Cela affecte mécaniquement nos marges artistiques », se désole-t-il.
Les salaires de la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles ont été augmentés, en deux temps, de 5 % entre décembre 2021 et mai 2022. « Certains syndicats réclament plus de 15 % », souligne Vincent Moisselin, ce qui conduit à des désaccords. « Ces hausses représentent jusqu’à 80 000 euros par an, auxquels s’ajoute l’envolée du...
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