La nouvelle structure, qui réunit déjà plus de 400 noms, vise à dépasser les divergences esthétiques.
Lundi 25 mai, une tribune annonçant la création d’une Fédération de compositeurs était publiée sur le site Internet de La Lettre du musicien, accompagnée de la liste des 170 noms déjà acquis à cette entreprise qui témoigne de rapprochements inattendus. Karol Beffa et Pascal Dusapin apparaissent en effet sous une même bannière alors qu’en 2013, à la suite d’une conférence controversée au Collège de France, ils étaient considérés comme les pires ennemis du Tout-Paris de la création. « Ils ont été ravis ! », assure Benoît Menut, un des deux initiateurs du projet de Fédération, avant d’ajouter que « d’autres ont été plus difficiles à convaincre ».
Avant la crise sanitaire, au cours d’échanges avec son collègue Jean-Louis Agobet, il en était arrivé à déplorer l’absence de « niche » identifiable de sa corporation comme cela existe pour le théâtre ou le cinéma. « Il y avait deux possibilités, résume Menut. Beugler en créant un syndicat de plus pour nous défendre ou bien faire de l’entrisme positif, c’est-à-dire avoir la reconnaissance des institutions en arrivant à fédérer un monde créatif dans sa diversité autour d’une idée majeure : nous sommes tous des artisans de l’écriture. »
Plutôt que d’envoyer un texte à signer, Menut et Agobet ont opté pour le débat au téléphone, parfois avec des interlocuteurs prêts à devenir des relais du mouvement. Ce fut le cas de Jonathan Pontier. « A la mi-avril, j’ai été contacté par Loïc Guénin qui, lui-même, avait été sollicité par Sasha J. Blondeau, raconte ce franc-tireur du paysage contemporain. La chose n’était pas très bien dessinée mais elle tranchait avec les lettres revendicatrices qu’on nous invite régulièrement à signer pour défendre notre bifteck », rapporte Pontier. Séduit par la démarche, il s’est investi pour élargir le cercle des « fédérés » à des personnalités habituées à sauter les frontières du jazz ou des musiques improvisées, tels Joëlle Léandre, Andy Emler et Tomas Gubitsch, pour rejoindre la confrérie de l’écriture, parfois symphonique.
Une confraternité jamais vue
Bien que la liste avoisine dorénavant les 400 noms (un tiers du nombre de compositeurs recensés en France), il manquera forcément des pièces « au grand puzzle de la création musicale en France » que Jonathan Pontier voudrait voir ainsi reconstitué. Certaines associations pourraient, ultérieurement, s’y affilier. Notamment celle représentant les compositeurs de musiques de film puisque Bruno Coulais compte parmi les premiers signataires de la tribune. Trentenaire fraîchement entré dans le monde professionnel, Florent Caron Darras estime que « dans un monde de bouleversements technologiques et politiques, les musiques de concert et de création méritent d’être défendues, et les voix isolées et asynchrones ne portent jamais suffisamment loin ».
A la différence d’autres pays, la France ne possédait pas de fédération de compositeurs. « Il était temps de la créer », renchérit Benoît Menut, qui en veut pour preuve la réaction des institutions qui, de la Sacem à la Maison de la musique contemporaine, « ont applaudi des deux mains ». Une première, donc, avec une confraternité jamais vue. Ou presque. Gilbert Amy, successeur, en 1967, de Pierre Boulez à la tête des concerts du Domaine musical, ne pense l’avoir vécue qu’en mai 1968 quand il s’est retrouvé à signer des motions avec des compositeurs qu’il n’aurait jamais imaginé rencontrer dans d’autres circonstances. « Impensable il y a quinze ans, cette Fédération peut nous aider à survivre », se plaît-il à espérer.
Si les compositeurs pourront y travailler en collèges d’une quinzaine de personnes sur divers sujets, ce n’est pas eux qui en présenteront les conclusions aux tutelles et aux médias mais un bureau constitué de personnalités du monde musical reconnues pour leur indépendance esthétique. La question de l’indépendance peut aussi se poser à propos d’une fédération dont les deux concepteurs siègent à la...
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