Les professionnels de la musique alertent sur l'urgence d'une révision du décret du 7 août 2017 (dit décret « son »). Jugé inapplicable, ce texte, en l'état, met le secteur musical dans une situation d'insécurité juridique et financière. A l'aube de la nouvelle saison festivalière, les organisations professionnelles de la musique réclament une accélération des discussions avec l'Etat.
Après les restrictions sanitaires et leurs effets délétères sur les concerts, « le décret « son » constitue un obstacle potentiel à la reprise du secteur », a mis en garde Laurent Decès, président du Syndicat national des musiques actuelles (SMA), lors d’une conférence organisée en visio le 24 mars par l’association AGI-SON. Cette dernière présentait son livre blanc pour la révision du décret du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiées, communément appelé décret « son ».
Depuis vingt ans, AGI-SON, qui regroupe une cinquantaine de structures (fédérations, syndicats professionnels, festivals, organismes de formation etc.), œuvre pour la compatibilité entre musiques amplifiées et santé auditive. Et depuis 2018, l’association milite pour la révision du décret « son ».
Complexe car faisant appel à l’acoustique et à la physique du son, ce texte est considéré comme trop restrictif et inadapté aux spécificités du spectacle vivant et des concerts. Son application percute de plein fouet les esthétiques musicales gourmandes en basses fréquences (hip-hop, électro, musiques urbaines…). Ce décret a aussi une incidence financière sur les gestionnaires de salles (dont font partie les collectivités) à travers une étude d’impact couteuse requise pour chaque événement.
Un niveau d’émergence « intenable » en plein air
L’affaire n’est donc pas nouvelle. Simplement, après une première phase de discussion avec les ministères concernés (Culture, Transition écologique, Santé) sur les failles du texte, le dossier a disparu de l’actualité, en raison des restrictions sanitaires qui ont mis les concerts à l’arrêt.
Pour l’heure, si les discussions ont repris entre les trois ministères et les organisations professionnelles, la réglementation n’a pas bougé d’un iota. Aujourd’hui, alors que le public peut reprendre librement le chemin des concerts et que la saison festivalière 2022 s’annonce sous de meilleurs auspices que l’an passé, organisateurs et gestionnaires de salles et d’événements restent sous l’épée de Damoclès que constitue le texte de 2017. Car il suffit d’une interprétation pointilleuse du texte par un préfet, de la frilosité d’un maire, ou d’une plainte déposée par des riverains exaspérés par les nuisances sonores, pour mettre en péril la santé financière, voire la survie, d’une structure.
Les responsables du festival Marsatac (dont l’édition 2022 est prévue en juin) en savent quelque chose : implantés depuis vingt-quatre ans à Marseille, et évoluant dans l’univers des esthétiques hip-hop, électro et musiques urbaines, ils sont mis en cause par une association de riverains, très au fait des dispositions techniques du décret. « Le niveau d’émergence [différence entre le niveau sonore ambiant habituel et celui généré par un événement, ndlr] prévu par le décret pour les concerts en plein air est intenable », estime Béatrice Desgranges, directrice du festival marseillais.
Sensibilisation des élus
Alors que le Centre national de la musique évalue les pertes de recettes de billetterie sur 2021 entre 930 millions et 1 milliard d’euros, « le secteur musical ne pourrait pas supporter financièrement de nouveaux coups d’arrêt », insiste Angélique Duchemin, directrice d’AGI-SON.
Cet été, l’association a donc repris son bâton de pèlerin et réalisé un tour de France. Objectifs : sensibiliser les élus, expliquer l’impact du texte pour le secteur musical, mais aussi pour les territoires (réduction de la diversité musicale, risque de disparition pour des festivals qui sont des vecteurs d’attractivité etc.), et avancer des propositions.
Message reçu du côté des élus, la Fédération nationale des collectivités pour la culture (FNCC) a inscrit la révision des dispositions qui font problème dans sa plateforme de propositions en vue de l’élection présidentielle. Ces longs mois de travail ont par ailleurs débouché sur la rédaction du livre blanc intitulé « Le décret son en question ».
Dans ce document, les professionnels avancent des propositions techniques sur les quatre points problématiques :
- la mesure du niveau sonore en tout point accessible au public ;
- la mesure simultanée du son en dB(A) et dB(C) ;
- les valeurs limites de l’émergence du son en plein air ;
- l’étude d’impact sur les nuisances sonores pour les lieux clos et sans équipement.
L’urgence d’une solution
Si les deux premiers sujets peuvent trouver une solution dans un arrêté d’application du décret existant, les deux autres, selon AGI-SON, nécessitent un nouveau décret. Jusqu’à présent, cette option est verrouillée par le principe de non régression, qui impose à l’Etat de ne pas revenir en arrière par rapport à une disposition en faveur de l’environnement. La voie la plus probable semble donc celle de...
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