Avignon, Francofolies, Eurockéennes... Avec le calendrier fixé, les organisateurs de manifestations culturelles savent désormais s'ils doivent décaler ou annuler leur édition 2024. Les négociations commencent.
Y aura-t-il des festivals pendant les jeux Olympiques de Paris ? Deux mois après l'annonce du ministère de l'Intérieur de nécessaires reports ou annulations de festivals pendant les JO de 2024, les choses sont en train de se préciser. Place Beauvau, on estime qu'il faudra en moyenne chaque jour 30.000 policiers et gendarmes pour assure la sécurité de la compétition sportive et de ses 13 millions de spectateurs attendus. Des dispositifs qui sont difficilement compatibles, explique-t-on, avec l'organisation simultanée de grandes manifestations populaires comme Avignon ou de festivals de musique comme les Francofolies de La Rochelle.
Face à l'inquiétude grandissante des organisateurs, ainsi que la pression des élus accueillant des manifestations dans leur région, le gouvernement a fini par donner une feuille de route et un calendrier aux préfets, mardi soir. Alors que Gérald Darmanin avait annoncé, dans un premier temps, qu'aucune manifestation d'ampleur ne pourrait se tenir entre juin à septembre, le gouvernement considère finalement que la période la plus «à risque» ne démarrera qu'au 18 juillet. Entre cette date et le 11 août, aucun événement culturel festif « nécessitant l'engagement d'unités de forces mobiles (UFM) » ne pourra se tenir.
Rares exceptions
Entre le 12 août, lendemain de la cérémonie de clôture des JO, et le 23 août, c'est-à-dire entre les jeux Olympiques et Paralympiques, les évènements n'ayant pas habituellement recours à des forces mobiles pourront se tenir, avec un «usage modéré» des forces de l'ordre. Pour quelques « rares grands événements » nécessitant leur engagement, les organisateurs devront négocier au niveau national.
Enfin, du 24 août au 8 septembre, soit la période des jeux paralympiques, il faudra à nouveau baisser le rideau « sauf rares exceptions décidées au cas par cas », précise la circulaire envoyée aux préfets et cosignée par les ministres de l'Intérieur, des Sports et de la Culture. Pour se donner quelques marges de manœuvre, le gouvernement prévoit qu'en amont de l'été olympique, du 23 juin au 17 juillet, les manifestations culturelles pourront se dérouler normalement à condition de «limiter les moyens nécessaires à leur sécurisation».
Communication difficile
En précisant les règles qui s'appliqueront en 2024, le gouvernement fait un geste en direction des organisateurs de festivals : la période à haut risque, qui s'étalait du printemps à l'automne dans les premières déclarations, notamment celles venant de l'Intérieur, est resserrée sur 11 semaines. Mais dans le même temps, il confirme ce que beaucoup redoutaient : il y aura bien de la casse. Aux organisateurs de festivals et de concerts, maintenant, de négocier des marges avec les préfets, ce qui ne sera pas une mince affaire - à ce jour, très peu d'entre eux sont en mesure d'annoncer des dates fermes et donc de pouvoir reprendre leur travail de programmation avec les artistes.
"Je voudrais décaler d'une semaine mais tout le calendrier de l'hippodrome de Longchamp se trouverait modifié en cascade : si je change, il faut changer la date des courses et de la garden party du 14 juillet comme celles de Solidays"Angelo Gopee, organisateur du festival Lollapalooza Paris
D'autant que les informations semblent mal circuler: alors que mardi soir le ministère de la Culture indiquait, heureux d'avoir contribué à tordre (un peu) le bras à l'Intérieur, que le Festival d'Avignon, In et Off, avait accepté d'avancer leurs dates d'une semaine, que l'Interceltique de Lorient se tiendrait une semaine plus tard et que le festival Chalon dans la rue sera avancé début juillet, aucun des organisateurs n'était en mesure de confirmer ces dates au Figaro. «Ce sont des hypothèses de travail, nous devons encore en discuter avec la ville, la préfecture et les lieux de spectacle», précise-t-on à la direction du Festival d'Avignon. «Ces dates correspondent à des possibilités acceptables mais ne sont pas officielles», renchérit Laurent Domingos, co-président du off d'Avignon.
Même un an et demi avant la date fatidique, il est compliqué de décaler une grosse manifestation comme le festival Lollapalooza Paris. «J'essaye de trouver une alternative car les dates que nous avions retenues sont en pleine période rouge», raconte Angelo Gopee, directeur de Live Nation France et organisateur de la manifestation qui se déroule à l'hippodrome de Longchamp. «Je voudrais décaler d'une semaine mais tout le calendrier de l'hippodrome se trouverait modifié en cascade : si je change, il faut changer la date des courses et de la garden party du 14 juillet comme celles de Solidays, explique-t-il. Nous avons beaucoup de réunions, chacun essaye de faire des efforts mais le compte à rebours est lancé : dans quinze jours je dois être fixé car il faut que je réserve mes prestataires, le son, la lumière, les techniciens de scène.»
"Les dommages collatéraux sont tout de même colossaux. Lassés de l'imbroglio entre le ministère de l'Intérieur et de la Culture, les managers de Céline Dion viennent d'annuler sa venue à l'été 2024. La décision a été prise la semaine dernière et j'ai dû rembourser 55.000 billets, soit 3,5 millions d'euros" Jérôme Tréhorel, directeur général des Vieilles Charrues
À coups de réunions, à la préfecture, avec la gendarmerie, la police et - fait exceptionnel avec la police municipale-, Jean-Paul Rolland, directeur des Eurockéennes de Belfort, ne baisse pas les bras. «L'atmosphère est collaborative et on ne prononce pas le mot d'annulation. En janvier, la gendarmerie va estimer le nombre minimum de gendarmes dont ils ont besoin. Trois points jouent en notre faveur : le Territoire de Belfort est éloigné des sites olympiques, nous n'avons pas lieu pendant la période “écarlate” et, surtout, Belfort ayant une des plus petites compagnies de gendarmes de France, il y a peu de risque qu'elle soit aspirée par les JO.»
Avec des dates confirmées du 11 au 14 juillet 2024 - soit juste avant la période critique -, Jérôme Tréhorel, directeur général des Vieilles Charrues à Carhaix dans le Finistère, pousse un ouf de soulagement. Le nouveau calendrier «devrait permettre de relancer la machine auprès des artistes internationaux», imagine-t-il. «Mais les dommages collatéraux sont tout de même colossaux. Lassés de l'imbroglio entre le ministère de l'Intérieur et de la Culture, les managers de Céline Dion viennent d'annuler sa venue à l'été 2024. La décision a été prise la semaine dernière et j'ai dû rembourser 55.000 billets, soit 3,5 millions d'euros.» Selon lui, si la gestion de la sécurité pendant les JO avait été mieux anticipée, «Céline Dion aurait pu venir en France».
"Si certains événements ne pouvaient être déplacés, en raison de contraintes qui leur sont extérieures, nous serons vigilants à l'indemnisation qui sera prévue. Le préjudice subi devra être pris en considération" Malika Séguineau, directrice générale du Prodiss
À Rock en Seine, on essaye aussi de limiter les dégâts, faute de pouvoir changer de calendrier. « Je suis en discussion avec le préfet des Hauts-de-Seine, avec qui nous essayons de voir s'il est possible de réduire le nombre de forces mobiles ou de faire appel à la police municipale plutôt qu'à la police nationale et les gendarmes », raconte Matthieu Ducos, directeur du festival qui ne peut pas bouger ses dates, car sa programmation est faite avec d'autres festivals étrangers.
À 591 jours des JO, le brouillard est encore épais. Déjà Malika Séguineau, directrice générale du Prodiss (producteurs et patrons de salles privés) prévient : «Si certains événements ne pouvaient être déplacés, en raison de contraintes qui leur sont extérieures, nous serons vigilants à...
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