
Après une communication ministérielle maladroite, le corps enseignant ne décolère pas. Le gel de la part collective du pass Culture est un véritable coup de massue dans les quartiers prioritaires, géographiquement et socialement très éloignés des lieux culturels.
Les établissements sont en ébullition. Depuis l’annonce des restrictions budgétaires qui sclérosent la part collective du pass Culture jusqu’à la fin de l’année scolaire, çà et là, les professeur·es se mobilisent pour exprimer leur mécontentement et dénoncer un sacrifice injuste au détriment des élèves.
D’autant plus dans les zones d’éducation prioritaire où l’accès à la culture est particulièrement entravé. « Nous avons des élèves issus de familles précarisées qui n’auront plus accès aux sorties ciné et au théâtre. Ça a été annoncé hyper brutalement. On est dans la politique du “premier arrivé, premier servi”, on va devoir faire des choix », s’indigne Médrik Bagagli, co-secrétaire du syndicat SUD Éducation 34, et enseignant dans un collège REP+ du quartier de la Mosson, à Montpellier.
Plongé·es dans le flou ces derniers jours, les enseignant·es accumulent les réunions d’urgence. « On essaie de décrypter les dernières déclarations du ministère ; les profs sont vent debout », confirme une source académique de la région parisienne. Dans un communiqué daté du mardi 4 février, la ministre de l’éducation nationale Élisabeth Borne confirme un budget de 72 millions d’euros pour 2025, contre les 64 millions de l’an passé, auxquels le ministère avait consenti une rallonge de 35 millions. Désormais, la source est tarie.
Le ministère affirme avoir mis fin au rab, il faudra faire avec. Et les demandes ayant déjà pompé près de 50 millions d’euros entre septembre et janvier, le ministère a décidé de couper les vannes pour réserver les 22 millions d’euros restants aux projets qui courront de septembre et décembre 2025.
Pour ajouter du flou au flou, dans ce même texte, le ministère annonce également que les projets déjà réservés pourront être réalisés. Tout comme les projets de sorties ou d’ateliers validés en amont, et pas encore financés. Mais sur quel budget ? « On nous l’a clairement dit : ce sera sur les 22 millions réservés pour la rentrée prochaine. Donc, finalement, on aura sûrement beaucoup moins que ça en septembre », confie le conseiller DAAC (délégation académique pour l’art et la culture) d’un rectorat.
Parfois le seul accès à la culture
« Pour moi, c’est du vol », résume Océane Ramos, déléguée SUD Éducation et référente culture du collège Condorcet, à Nîmes. Dans cet établissement classé REP+, qui compte 90 % de boursiers et boursières (contre 26 % en moyenne en France), dont 47 % bénéficient de l’échelon maximal, elle avait droit à un budget initial de 15 150 euros pour le pass Culture. Une somme calculée en fonction du nombre d’élèves, mais aujourd’hui coupée de moitié sans crier gare. « Donc j’ai perdu énormément d’argent. À ce jour, je rends à l’État 8 178,50 euros. J’avais toute l’année pour les dépenser, mais je n’avais pas prévu de préparer les projets de mai et de juin plus tôt », explique Océane Ramos.
Son secteur, c’est Pissevin, 4e quartier le plus pauvre de France, selon l’Observatoire des inégalités. Ici, 72 % des familles sont sous le seuil de pauvreté. Elles n’ont donc aucune marge de manœuvre pour financer les sorties. « Pour ces enfants, le seul accès à la culture, c’est l’école. Et je vous certifie qu’ici des enfants ne pourront bénéficier d’aucune action culturelle cette année. »
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