Le danseur de 28 ans a été distingué à l’issue de la représentation de « La Bayadère », samedi 23 avril.
Fou, fou, fou ! Acclamations, hurlements, sifflements, charivari absolu, samedi 23 avril, à l’Opéra Bastille à Paris, pour la nomination de François Alu au grade d’étoile de l’Opéra national de Paris. A l’issue de la représentation du ballet La Bayadère, Alexander Neef, directeur de l’institution, et Aurélie Dupont, directrice de la danse, sont apparus, comme le veut la tradition, sur le côté du plateau. A peine Neef avait-il terminé son discours que les 2 700 spectateurs, débout, criaient leur joie pour Alu, qui tanguait de plaisir main dans la main avec ses deux partenaires, Dorothée Gilbert et Bianca Scudamore. « Tous les trois, on s’était dit qu’on était une équipe de foot, pas une faute de frappe, rien que des buts ! », confiait-il le lendemain de la soirée.
Etoile ! Enfin ! Huit ans après avoir été promu premier danseur de la troupe parisienne, Alu, 28 ans, décroche le titre ultime. Rares sont les interprètes qui attendent aussi longtemps. « Je n’y croyais plus trop et je m’étais détaché, reconnaît-il. Mais si le chemin n’a pas été court, il m’a permis de réfléchir aux choix que j’avais envie de faire, de trouver d’autres voies, mêmes improbables, et d’être ce que je suis aujourd’hui. » François Alu danse, joue la comédie, est coach, fait du cinéma, écrit, et tourne actuellement un one-man-show, mis en scène avec Samuel Murez, aussi émouvant qu’épatant, intitulé Complètement jetés !. « L’adversité a finalement été bénéfique pour trouver ma place et être moi-même », ajoute-t-il. Quant au statut « stellaire » – son mot favori depuis samedi –, si convoité, il le considère comme « un couronnement de [sa] liberté d’artiste. »
Le sacre de François Alu s’est déroulé dans une atmosphère particulière et inédite pour l’Opéra. L’apparition depuis dix ans d’un fan-club de passionnés, que les prestations télévisuelles du jeune homme pour Danse avec les stars ont dopé, a déclenché un mouvement de révolte contre ce qu’ils estimaient une injustice, la non-nomination de leur idole au rang d’étoile. L’affaire a pris, mercredi 20 avril, à Bastille, le ton d’un soulèvement. Déçus qu’Alu, de retour en scène pour la première fois après une blessure dans La Bayadère, ne soit pas enfin distingué, ils scandent pendant de longues minutes : « Alu étoile, Dupont démission ! » Une manifestation incroyable dans un contexte où la nomination, plus ou moins secrète jusqu’au grand jour, est entre les mains de la direction de l’Opéra.
Cette pression a-t-elle été un facteur dans la décision d’Alexander Neef et Aurélie Dupont ? Probablement pas. C’est le talent de François Alu, sa technique sans faille, son énergie bondissante et sa faculté à se glisser dans des rôles aux antipodes de son tempérament bouillonnant qui l’a emporté. Il a ainsi impeccablement affirmé ses intentions théâtrales dans le personnage, assez pâle parfois, de Solor, épris de Nikiya, la bayadère, mais dominé par la fille du rajah. Il nous a aussi intensément fait rire dans La Fille mal gardée, ballet merveilleusement agricole et révolutionnaire. Il nous a scotchés dans les pas de deux affûtés de Blake Works, de William Forsythe.
Merveilleux performeur et acteur
François Alu est un cas. Brillant. Si tout file vite d’abord pour lui, qu’est-ce qui explique alors cette longue attente dans un parcours attaqué pied au plancher ? Est-ce, comme il a été souvent dit, son physique, sans doute moins étiré que certains de ses collègues mais bien balancé ? En 2017, il racontait en riant son appétit d’enfant, avalant les steaks de ses copines à la cantine, et évoquait ainsi ses cuisses. « J’en ai entendu parler pendant des années de mes cuisses. Elles sont massives mais elles me permettent de sauter et dans la vie de tous les jours, franchement, elles ne se remarquent pas. » Il précise aujourd’hui : « Je pense que c’est surtout mon côté trop libre et indépendant qui m’a peut-être entravé. Je me sens différent depuis l’enfance et j’avais envie de le montrer. Mais l’institution, sous la direction d’Alexander Neef, est en train de changer et de s’ouvrir. »
C’est auprès de sa mère, Christine Henry, professeure de danse classique et contemporaine, installée à Fussy (Cher), près de Bourges, que François Alu commence ses apprentissages. En plus de la technique académique et modern jazz, il ajoute le hip-hop et sculpte son profil élastique. Un choc le fait basculer : la vision d’un film avec Patrick Dupond. « J’avais 10 ans et envie de devenir Patrick Dupond », s’exclame-t-il. Un an plus tard, en 2004, il intègre l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris. Il gravit les échelons tout en concevant des spectacles et des vidéos dont les titres en disent long.
En 2017, il présente Hors cadre, au Théâtre Antoine, à Paris, et...
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