Dans un article publié par le site The Conversation, le sociologue Claude Poissenot plaide pour la poursuite du passe culture. Il explique pourquoi, selon lui, ce dispositif, en dépit de ses insuffisances, favorise l'autonomie culturelle des jeunes.
La Cour des comptes a publié mardi 17 décembre un rapport très critique vis-à-vis du Pass culture, cette enveloppe de 300 euros attribuée aux jeunes pour leurs dépenses culturelles. Il serait notamment trop coûteux et ne répondrait pas à ses objectifs de démocratisation des pratiques culturelles. Alors, est-ce que tout est vraiment à jeter dans ce Pass culture ?
La proportion de jeunes ayant téléchargé l’application pass culture varie de 87 % chez ceux issus de parents diplômés du supérieur à 67 % chez ceux dont les parents ont le certificat d’études primaires. La technologie ne fait pas disparaître les inégalités sociales face aux pratiques culturelles. Le goût pour la lecture, le cinéma, les concerts prospère davantage dans les familles qui s’intéressent à ces domaines et ont les moyens de s’y repérer et peuvent (doivent) exprimer leurs pratiques dans leurs relations de sociabilité.
Un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) conclut à « l’existence d’effets d’aubaine ».
C’est indéniable, mais l’argument est étonnant car il vaut pour toute action culturelle. N’y a-t-il donc aucun effet d’aubaine dans l’offre des institutions culturelles ?
Si la démocratisation de la culture est l’objectif des musées, comment justifier alors que la part des publics diplômés dans ces établissements soit 3,8 fois plus importante que celle des moins diplômés en 2018 (2,8 fois plus en 1973) ? Et bien sûr cela vaut pour tous les équipements culturels. Si l’élargissement des publics est la vocation de l’Opéra de Paris, que penser de l’âge moyen à 45 ans et de la surreprésentation des très diplômés et des Parisiens dans le public ?
Et, puisque le livre est le premier bien acquis par les jeunes grâce au Pass culture, relevons son importance dans la démocratisation de la fréquentation des librairies. Les données de l’enquête de LObSoCo (L’Observatoire Société et Consommation) montraient que seulement 12 % des 18 ans et plus sans diplôme fréquentaient les librairies. Le Pass culture semble permettre à plus de jeunes issus de parents non diplômés de franchir les portes d’une librairie. Le dispositif permet aux libraires de voir des jeunes qu’ils ne verraient pas sans et qui ne sont pas familiers de ce lieu. Et 87 % du panel des libraires interrogés pour l’Observatoire de la librairie considèrent que les jeunes qui utilisent le Pass culture sont un nouveau public. Et d’ailleurs, l’étude d’avril 2023 Le livre sur le pass Culture montrait que 48 % des utilisateurs qui ont réservé un livre avec le Pass culture ont déclaré avoir découvert un lieu d’achat ou d’emprunt de livres en allant retirer leur réservation.
Le Pass culture ne permet sans doute pas beaucoup de renouvellement des publics des institutions culturelles légitimes et d’ailleurs les réservations de spectacles vivant ne représentent que 2 % des dépenses faites par les jeunes. En revanche, s’agissant du livre et de la lecture, il alimente le maintien du rapport des jeunes à cette pratique.
Un coût élevé ?
Le Pass culture est plébiscité par les jeunes. 81 % de la génération 2004 a utilisé une partie de la somme disponible et plus de la moitié au moins 285€ sur les 300 € disponibles. Fin août 2023, ils étaient 3,2 millions à avoir utilisé ce crédit. Et ce succès a un coût de 260 millions d’euros. Cela représente environ 6 % du budget 2024 du ministère de la Culture (hors Audiovisuel public). Par comparaison, c’est aussi le budget de la BnF ou un peu plus que la...
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