Le milieu de l’art n’est pas à l’abri du burn-out ou du harcèlement moral, comme en témoignent plusieurs cas récents qui ont secoué différentes institutions.
Burn-out, management défaillant, situation de harcèlement… Les conditions de travail ne sont pas toujours sereines dans un monde culturel qui se gargarise pourtant de bienveillance. Parfois le mal-être vire au drame. En octobre 2021, un régisseur du FRAC Champagne-Ardenne, à Reims, s’est suicidé sur son lieu de travail. Deux ans plus tard, Vincent Honoré, l’ancien conservateur du MoCo, une structure hybride à la fois centre et école d’art, à Montpellier, a mis fin à ses jours. Dans le monde de l’art, où ce curateur était très apprécié, c’est la stupeur. Comment en est-on arrivé là ?
« Vincent me disait qu’il était au fond du gouffre, épuisé par le stress. Je l’ai souvent ramassé à la petite cuillère », témoigne un de ses amis. « On ne peut pas parler de brimade, il n’y avait pas d’échanges vifs avec la direction, nuance une de ses collègues. Mais il y avait une incompréhension, un sentiment d’invisibilisation. Le problème, ce n’était pas la surcharge de travail mais une divergence de point de vue sur l’art, sur le rôle d’un curateur. » Au printemps, après trois mois d’enquête menée de janvier à mars, la Sécurité sociale a qualifié le suicide d’« accident du travail » comme l’a révélé une enquête du Quotidien de l’art.
Le directeur du MoCo, Numa Hambursin, a aussitôt déposé un recours en mai, toujours selon le Quotidien de l’art, recours rejeté le 4 août. En septembre, l’établissement a saisi le pôle social du tribunal judiciaire. Numa Hambursin, dont la nomination, en 2021, avait été accueillie avec défiance par une partie des salariés et des étudiants, dénonce aujourd’hui une « instrumentalisation odieuse d’une tragédie ». « Dès mon arrivée, j’ai tout de suite rassuré Vincent, affirme-t-il au Monde. Il a été reconduit avec une augmentation de salaire. » Jamais, assure-t-il, il n’a reçu de récrimination de sa part. « Il n’a jamais posé d’arrêt maladie, et toutes ses demandes de congés ont été accordées. Je ne pouvais pas imaginer qu’il allait mal », plaide Numa Hambursin.
Vincent Honoré, ajoute-t-il, a été commissaire ou co-commissaire de quatre expositions sur les sept réalisées, « plus qu’avant mon arrivée ». « Qu’on dise que je suis hésitant, que j’ai du mal à trancher, c’est vrai, mais autoritaire, c’est une blague », proteste-t-il, avant d’ajouter : « Certains pensent que je n’ai pas droit de cité dans le monde de l’art contemporain. On dit que j’ai mauvais goût, que je fais de mauvaises expos. Je veux bien que l’art contemporain soit un sport de combat. Mais se servir d’un drame pour me faire passer pour un assassin, c’est insupportable ! »
Mises en retrait
Dans certaines institutions, le management de dirigeants jugés abrupts avec leurs troupes aboutit à des mises en retrait. Au Musée des arts décoratifs à Paris, Christine Macel, nommée depuis tout juste deux ans à la direction, a été destituée en octobre, après un rapport réalisé sur son management par un cabinet externe. La greffe n’aurait pas pris avec cette conservatrice très reconnue, qui a dirigé le département « création contemporaine » du Centre Pompidou pendant vingt ans et assuré des dizaines de commissariats d’expositions, dont celui de la 57e édition de la Biennale de Venise, en 2017.
L’audit avait été commandé, selon Le Journal des arts, à la suite d’un signalement émis par la médecine du travail concernant des risques psychosociaux survenus après le départ de deux conservateurs. Christine Macel hérite désormais d’un poste de conseillère scientifique et artistique, directement rattaché au président du conseil d’administration, jusqu’en octobre 2025, date de la fin de son mandat. Un moyen de l’écarter de tout « lien managérial et opérationnel avec le musée », selon Le Journal des arts. Un « soulagement », répliquait, en octobre, Christine Macel qui, dans The Art Newspaper évoquait une « situation devenue intenable, l’audit décrivant une crise de gouvernance et d’organisation dans le musée ».
Deux mois plus tard, en décembre, la directrice générale, Sylvie Corréard, annonçait son départ de l’établissement. Entre-temps, un audit flash avait été diligenté par l’inspection générale des affaires culturelles sur la...
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