Depuis 2001 à la tête de l’institution, le metteur en scène y a été omniprésent, faisant côtoyer stars du milieu et artistes naissants. Sous sa direction, la salle est aussi devenue une agora, carrefour d’une culture sociale-démocrate.
Trois salles mais une ambiance, connectée à un seul homme qui, omniprésent – spectacles, répétitions, bar, resto, librairie, plus les coulisses naturellement – depuis vingt ans, aura profondément marqué le lieu de son empreinte. Pull violet flashy et chapeau, nul ne doute qu’une fois son départ acté – et nonobstant sa petite taille –, l’absence de Jean-Michel Ribes, 75 ans, ne passera pas inaperçue, du moins les premiers temps, dans les différents espaces qui constituent le dynamique Théâtre du Rond-Point – qui, situé en bas des Champs-Elysées, fut notamment par le passé une patinoire très prisée de la Belle Epoque, puis, un siècle plus tard, le QG de la compagnie de Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault.
Têtes d’affiche
Lorsqu’en 2001, Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, et Catherine Tasca, ministre de la Culture, confient à l’auteur, metteur en scène et réalisateur les clés de l’institution (subventionnée à parité par l’Etat et la ville de Paris, avec un budget reposant aux deux tiers sur des recettes propres), sa feuille de route exige de ne produire et diffuser que des auteurs vivants. Dès lors, centrée, sur «la société d’aujourd’hui vue par des gens d’aujourd’hui», la structure au nouveau logo dessiné par le peintre Gérard Garouste ne chôme pas. Quelque 650 spectacles, vus par plus de 3,5 millions de personnes vont rythmer l’ère Ribes, qui défend un projet fondé sur «l’audace joyeuse».
Sur scène, on ne rechigne pas à programmer des têtes d’affiche car, de Sophie Marceau, Nathalie Baye ou Romain Duris à, plus récemment, Patrick Timsit ou Laetitia Casta, il faut bien faire bouillir la marmite (62 salariés, CDI et CDD compris), à commencer par la spacieuse salle Renaud-Barrault, qui compte 746 fauteuils. Mais, parallèlement, c’est aussi l’endroit où naissent des artistes promis à un succès durable, tels James Thierrée, le conteur italien Pippo Delbono ou l’humoriste François-Xavier Demaison, et où la compagnie du Zerep de Sophie Perez, comme Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan (ces deux derniers cosignant un des derniers succès surprise en date, les Gros patinent bien), entre autres acteurs et metteurs en scène ayant leur rond de serviette, parviennent à imposer des styles plus décalés… Sinon «clivants» quand, en 2011, une escouade de cathos intégristes offre au théâtre un joli coup de pub en l’assiégeant, au motif que s’y joue le Golgota Picnic de Rodrigo Garcia, jugé blasphématoire.
«Rire de résistance»
Une situation indéniablement chaotique, mais qui n’est pas non plus pour déplaire au directeur, que la vue d’un micro n’a jamais effarouché. Bien au contraire. Car dès qu’il s’agit de prendre position dans l’agora, quitte au passage à en profiter pour organiser une table ronde, un colloque ou une soirée de soutien (à Ingrid Betancourt ou Florence Aubenas, alors otages), Jean-Michel Ribes répond présent, lui qui, ancien compagnon de route de Roland Topor, ne jure que par le «rire de résistance» avec, notamment, une bête noire dans le collimateur : l’extrême droite. De sorte que, majoritairement fréquenté par un public «de gauche» et (par la force des choses ?) grisonnant, le Rond-Point – dont son patron fut un soutien fidèle du candidat puis président François Hollande, y compris quand tout le monde se mit à tirer sur l’ambulance – s’impose aussi en carrefour d’une culture sociale-démocrate où, parfois sous l’égide de médias alliés (le Monde, Télérama, voire… Libération), l’on ne prêche que les convaincus...
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