Fermeture de l’atelier décor, report de l’ouverture de la saison 2023-2024, surcoût du chantier de réhabilitation, retard dans la livraison du bâtiment rénové : le Théâtre Nanterre-Amandiers traverse une zone de turbulences qui le propulse sur la liste noire des institutions en danger. Et l’oblige à resserrer les boulons pour ne pas accroître un déficit qui atteindrait, en 2023, 500 000 euros.
Directeur depuis janvier 2021 de ce Centre dramatique national (CDN) ouvert en 1965 par Pierre Debauche, Christophe Rauck a dû trancher pour, dit-il, « arrêter l’hémorragie » que révèlent la fin du « quoi qu’il en coûte » et l’arrêt des aides déployées pour contrer la crise sanitaire. Exception faite d’un événement présenté en octobre, en partenariat avec le Festival d’automne, la saison démarrera véritablement en novembre, avec un spectacle d’Olivier Py. L’atelier décor, dont l’activité était en sous-régime (quatre décors seulement fabriqués en 2022), ferme ses portes et quatre postes sont supprimés : « C’est la première fois que je licencie du personnel », confie le directeur, soucieux « de retrouver un peu d’air sur l’artistique en allégeant le poids de la structure ». La décision, d’autant plus douloureuse qu’elle touche à un symbole (les ateliers font la fierté des Amandiers), a suscité l’émoi des salariés. Ils sont à l’origine d’une pétition demandant aux partenaires publics de « trouver une issue au financement de cette conjoncture difficile ».
Situé derrière les tours de la Défense, Nanterre-Amandiers n’est pas un théâtre comme les autres. Sur ses plateaux se sont écrites des pages emblématiques du spectacle vivant. Successivement dirigé par Patrice Chéreau, Jean-Pierre Vincent, Jean-Louis Martinelli et Philippe Quesne, le CDN bénéficiait du soutien appuyé de Patrick Devedjian. Mort en 2020 du Covid-19, l’ancien président du conseil général puis départemental des Hauts-de-Seine avait rêvé d’une rénovation XXL. Mais, entre le désir et son accomplissement, une succession d’imprévus, d’erreurs et d’impondérables a différé les échéances et fait grimper la facture de la réhabilitation de 42 à 50 millions d’euros. Avec une livraison espérée à l’été 2024, soit avec un an de retard sur le plan initial.
Impasse
Tout partait pourtant d’un bon pied. En octobre 2018, le département et la ville imposent à l’Etat l’agence norvégienne d’architectes Snohetta (conceptrice du siège du Groupe Le Monde). Au programme : un bâtiment repensé de A à Z, une salle supplémentaire de 200 places, des équipements scénographiques renouvelés, des loges, un hall d’accueil ou un espace de restauration modernisés. Le financement est assuré par la région, le département, la ville et l’Etat. Premier coup de pioche en juin 2021. L’équipe déménage. Le personnel migre vers des bureaux loués 211 000 euros à l’année (à la charge du CDN), tandis qu’un théâtre éphémère s’improvise à côté du chantier. La ville de Nanterre en finance le gros œuvre, le théâtre débourse 2,2 millions d’euros pour son aménagement intérieur et technique. Cette solution transitoire permet à la maison de ne pas baisser le rideau pendant la durée des travaux.
Sauf que ces derniers s’éternisent et que chaque jour de retard se paye au prix fort. Aux soucis inhérents à cette rénovation d’envergure s’ajoute un problème de béton défectueux. Une déconvenue pour les architectes et leur sous-traitant (Eiffage), qui, après de longues tergiversations, décident de renforcer le bâti plutôt que de casser pour refaire. Résultat : un surcoût inopiné de 8 millions d’euros. Et un surplus probable de 600 000 euros environ pour investir comme il se doit le nouveau local, dont l’aménagement intérieur n’a jamais été budgété. Un oubli de taille qui sidère Philippe Luciat-Labry, administrateur de Nanterre-Amandiers : « Pas un sou n’a été prévu pour la décoration, l’espace restauration ou le matériel son et lumière des plateaux. La réouverture a été imaginée avec notre vieux matériel, qui n’est plus du tout adapté. »
Qui va payer ? Les négociations vont bon train entre les différentes tutelles pour que chacun...
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