L'Ukraine vit actuellement des heures critiques et la France se doit d'assumer son devoir de solidarité et de soutien total après des victimes. Les artistes Ukrainiens en font partie.
Qu'ils ne soient plus en capacité d'exercer leur art ou qu'ils soient particulièrement exposés à cause de leurs postures contraire à la doctrine du régime, les artistes sont des proies faciles dans les situations totalitaires. Le « Statut européen de protection temporaire » est un dispositif exceptionnel créé lors de la guerre en ex-Yougoslavie et auquel nous ne pensions plus avoir recours. C'était sans compter sur l'invasion du régime totalitaire russe, qui pousse des millions d'ukrainiens à fuir leur pays. Ce statut permet aux artistes ukrainiens de résider partout dans l'Union européenne pendant un an renouvelable, d'avoir accès au logement, au marché du travail, de bénéficier des allocations de demandeurs d'asile et des prestations sociales, d'être couverts par une assurance maladie et d'avoir accès à l'éducation.
Plus récemment, le ministère de la Culture a mis en place un Fonds de soutien spécifique, l'Atelier des artistes en exil a déployé un dispositif d'accueil d'urgence et le programme Pause a proposé d'accueillir les scientifiques et artistes réfugiés dans des établissements d'enseignements supérieurs. Tous ces dispositifs sont les bienvenus pour protéger les artistes ukrainiens et les Russes dissidents et leur permettre de continuer à exercer leurs activités mais cela pose aussi la question de l'égalité. Pourquoi eux et pas les autres ?
Zone Franche, le réseau des musiques du monde, coordonne depuis 2009 le Comité Visas Artistes et se mobilise dans ce cadre en faveur de la circulation internationale des artistes et de leur accueil en France. Dans un communiqué du 25 mars 2022, il appelle à se demander pourquoi ne pas étendre ces dispositifs de soutien à tous les artistes réfugiés en France après avoir fui les guerres ou l'oppression des régimes totalitaires, « qu’ils viennent d’Irak, de Syrie, du Yémen, du Mali, ou d’Afghanistan ? ».
L'article 17 de la Convention de l’Unesco 2005, dont la France est signataire, plaide en faveur d’une « coopération internationale dans les situations de menace grave contre les expressions culturelles ». Cela signifie que peu importe leur nationalité, la France s'engage à soutenir et accueillir les artistes en danger. Aujourd'hui, les artistes demandeurs d’asile ne peuvent pas exercer leur art dès leur arrivée en France. Ils doivent attendre l’issue de l’instruction de leur demande, ce qui peut prendre plusieurs mois. Le dispositif Passeport-Talent mis en place en France en 2016 n'a pas porté ses fruits jusque-là, les statistiques indiquant qu'il a été très peu utilisé, mais il se révèle aujourd'hui comme étant un « outil diplomatique et humanitaire approprié pour un accueil inconditionnel des artistes des pays en guerre ou dissidents de pays reconnus comme non-sûrs par l’OFPRA ».
Zone Franche appelle donc les pouvoirs publics et les partenaires professionnels et institutionnels à se mobiliser pour l'assouplissement des conditions d’accès et de renouvellement au titre de séjour de tous les artistes réfugiés qui développent leurs carrières en France. Ces derniers devraient pouvoir bénéficier d'accès d'urgence aux visas et Passeport-Talents. La finalité serait la mise en place de modalités d’accueil identiques pour tous les artistes réfugiés sur le sol français.
Justine Vincent