Pour l’instant, c’est maintenance, désherbage et cueillette de mûres : à Gennevilliers, le théâtre ouvre pour les répétitions et réfléchit au futur.
Depuis le début du confinement, Jean-Marc Hennaut, directeur technique, est venu chaque jour au Théâtre de Gennevilliers vérifier que tout allait bien. Il sourit : « Pas question d’abandonner le navire pendant la tempête. » Il y a souvent retrouvé Daniel Jeanneteau. Le metteur en scène et patron du T2G, qui vit dans cette banlieue nord de la capitale, s’est fait un devoir d’entretenir les plantations qui poussent sur les deux terrasses (fermées au public) du théâtre. « Pendant huit semaines, j’ai planté, désherbé, arrosé. J’ai tenté de sauver le printemps. C’était pour moi la réponse symbolique à cette cessation d’activités. » Le résultat n’a rien de symbolique. Il est époustouflant. Sur 1 700 mètres carrés, tandis qu’un chat blanc se prélasse au soleil, une végétation luxuriante parle d’elle-même. Il y a de tout : des roses, des pivoines, des tomates, des salades et des mûres qui ne demandent qu’à être mangées. Depuis qu’il a été nommé directeur, en janvier 2017, l’artiste a voulu développer la permaculture, histoire d’alimenter en circuit court le service restauration de son institution.
Un vaste chantier
La multiplicité de ses espaces permettra sans doute au T2G de composer souplement avec les contraintes sanitaires. Le bâtiment dispose de quatre scènes. Trois sont accessibles au public, une quatrième sert de salle de répétition. « Ce lieu a du génie et des capacités inouïes de métamorphose », s’exclame Daniel Jeanneteau. Après avoir arpenté avec un sentiment de « crève-cœur » les longs couloirs déserts, il n’a aujourd’hui qu’une obsession : rouvrir dès que possible l’endroit aux compagnies. Trois d’entre elles, dont les spectacles sont attendus sur la saison 2020-2021, devraient ainsi accéder aux plateaux dès le mois de juin. « Nous leur demanderons d’apporter leur repas ainsi que leurs couverts, et nous les répartirons dans les différentes salles », précise Jean-Marc Hennaut, affairé à organiser les espaces. Pas de marquage au sol, « nous ne sommes pas un supermarché », mais des bancs, des tabourets, des chaises pour délimiter les sens de circulation.
Au détour d’une porte apparaît Josyane Pemba, la femme de ménage. Chiffons et produits de nettoyage à la main, elle désinfecte ce qui doit l’être. Employée depuis 2000, elle a repris le chemin du travail dès le 11 mai au matin. Elle vient de 9 heures à midi, prend sa voiture pour éviter les transports en commun. Comme l’ensemble de ceux qui ne pouvaient télétravailler, elle a touché le chômage partiel. Vingt personnes forment l’équipe du T2G. Pendant le confinement, une dizaine ont pu poursuivre leurs activités. Directrice de la communication et des relations avec les publics, Sylvie Goujon est devenue experte en visioconférence : « Après quinze premiers jours de calage, nous avons maîtrisé ces nouveaux outils de coordination. Nous avons fait beaucoup de réunions par zoom. » Entre briefings quotidiens et préparation d’une saison 2020 encore frappée d’incertitudes, elle n’a pas lésiné. Mais a su profiter de la distance imposée pour réfléchir plus en profondeur aux projets artistiques en jachère : « Je suis allée, plus tôt que je ne le fais d’ordinaire, à la recherche de documents sur les spectacles et les artistes que nous allons accueillir. »
Drôle de période que ce temps suspendu où s’engouffrent rêves, attentes, craintes, espoirs : Jean-Marc Hennaut profite de la pause imposée pour redonner un coup de jeune au plancher défraîchi d’un plateau de répétition. Avec ses collègues techniciens, bientôt de retour à ses côtés, il compte poncer le bois, assurer la maintenance, réparer ce qui est cassé. Daniel Jeanneteau trouve enfin les minutes pour répondre à des e-mails reçus six mois auparavant. Philippe Boulet, attaché de presse, actualise avec une précision d’horloger la newsletter du théâtre et prend son téléphone pour appeler « plus longuement que d’habitude » ses interlocuteurs journalistes. Ce n’est pas parce que les portes vitrées qui donnent sur le 41, avenue des Grésillons sont closes que l’endroit a cessé de vibrer. Il le fait à son rythme, sans céder à la tentation de diffuser tous azimuts des lectures improvisées ou des captations exhumées des tiroirs. Daniel Jeanneteau ne voulait pas...
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