L’une artiste et photographe, l’autre metteuse en scène, autrice et comédienne, Noémie Goudal et Maëlle Poésy proposent à Avignon une représentation, Anima, que d’aucuns qualifieront de vertigineuse, puisqu’il s’agit de relier l’incommensurable temps géologique au temps court d’une vie humaine.
Une temporalité spéciale à l’intérieur de laquelle le décor et le paysage se métamorphosent sous l’influence de l’eau, du feu et de l’air. La présence précaire de l’humain face à la force des éléments s’incarne pleinement par la performance d’une acrobate qui raconte toutes nos ambiguïtés, entre très grande force et immense fragilité à l’intérieur de cette métamorphose. Selon ses conceptrices, ce n’est pas un spectacle sur la cause écologique. Quoique ?
Noémie Goudal, née en 1984, est artiste et photographe ; Maëlle Poésy est metteuse en scène, autrice et comédienne. Appartenant à la même génération, l’une s’est fait connaître avec des photographies où elle explore la notion de paysage en y insérant des illusions d’optique architecturales dans des territoires vierges, jouant des lignes géométriques et des frontières entre réalité et fiction non sans une certaine malice ; l’autre, désormais directrice du Théâtre Dijon Bourgogne, a fait salle comble à la Comédie française avec son spectacle 7 minutes à l’automne dernier, et alterne entre réécriture de grands textes et mises en scène contemporaines.
Ensemble, portées par leur attrait pour le réalisme magique, la fascination pour ce qui nous dépasse et les vertiges temporels, elles ont conçu Anima. Cette installation-performance, bientôt présentée lors du 76e Festival d’Avignon, cherche à renouveler notre approche écologique en opérant un déplacement philosophique, via notamment la prise de conscience que les variations temporelles de la planète sont essentielles à sa survie. Tout brûle, tout s’étiole, tout s’érode. Mais derrière la destruction, toujours des constructions. C’est la magie du théâtre, et le phénix s’envole.
Ysé Sorel (JOURNALISTE ET CRITIQUE)
Anima est né de la rencontre entre vos deux univers artistiques. Comment est apparu ce désir d’animer, par les arts vivants, ce qui était au départ un travail plastique ? Comment s’est déroulée cette collaboration ?
Maëlle Poésy : Noémie et moi nous connaissons depuis très longtemps, nous avons connu des parcours assez croisés toutes les deux car nous sommes rentrées dans des écoles nationales supérieures, elle à Londres et moi au Théâtre national de Strasbourg, à peu près en même temps. Nous nous sommes donc structurées en parallèle, en échangeant sur les épreuves comme les événements joyeux que l’on vivait alors que nous élaborions chacune notre propre méthodologie de travail artistique. Nous avions envie de travailler ensemble depuis longtemps mais nous n’en avions pas eu jusque-là l’occasion, et puis Noémie a reçu cette invitation de la part des Rencontres photographiques d’Arles pour une exposition. Le nouveau directeur, Christoph Wiesner, avait envie de créer des ponts avec les arts vivants et la performance, et donc aussi potentiellement avec le Festival d’Avignon, pour croiser des publics qui, bien que très proches, ne se croisent pas forcément.
Noémie Goudal : J’ai alors proposé à Maëlle de partir de l’œuvre Post-Atlantica qui s’intéressait déjà à la paléoclimatologie, à savoir l’étude des climats anciens. Comment les scientifiques abordent ce qu’a été la Terre pendant des milliards d’années ?...
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