Directeur de l’Association française des orchestres (AFO), Philippe Fanjas explique quels sont les défis à relever pour les formations orchestrales cofinancées par les collectivités et l’Etat. Des questions qui seront débattues lors du 4ème Forum des orchestres que l’AFO organise les 9 et 10 décembre à Metz et dont la Gazette est partenaire.
Un mois après que le musicologue Jérôme Thiébaux et la cheffe de l’Inspection de la création artistique Anne Poursin, ont rendu leur rapport sur les orchestres à la ministre de la Culture, l’avenir de ces institutions musicales sera débattu à Metz les 9 et 10 décembre. Le 4ème Forum des orchestres, organisé par l’Association française des orchestres (AFO) et dont la Gazette est partenaire, se tient alors que ce secteur arrive à un tournant de sa longue histoire. Tour d’horizon des enjeux avec le directeur de l’AFO Philippe Fanjas.
Qu’attendez-vous de ce 4ème Forum des orchestres ?
Il vise à tracer une nouvelle vision pour les orchestres pour les années à venir, grâce à un dialogue ouvert entre directions des orchestres, représentants des musiciens, Etat, et collectivités territoriales. Il s’inscrit dans une chronologie : la Mission sur les orchestres, confiée par le ministère de la Culture à Jérôme Thiébaux et Anne Poursin, a rendu son rapport le 8 novembre à Roselyne Bachelot. Les 9 et 10 décembre, les professionnels débattront de leurs priorités, en même temps que des préconisations du rapport. Les deux auteurs seront d’ailleurs présents durant les deux jours. Début 2022, nous mettrons en chantier un programme de travail partagé entre les différentes parties prenantes.
Lors de la réception de ce rapport, la ministre Roselyne Bachelot a acté une «démarche participative d’observation» du secteur. Y a –t –il si peu données ?
L’observation de notre secteur est lacunaire. Or elle est censée fournir aux décideurs politiques et financiers des éléments pour apprécier si les missions de service public sont bien accomplies, et, le cas échéant, ce qu’il y a lieu de modifier.
Nous sommes évidemment d’accord pour participer à une observation fine, à condition que ses objectifs soient clairs et partagés entre les partenaires publics et les orchestres. Pour le dire autrement, il est inutile d’accumuler des données inexploitables, mais indispensable de disposer d’indicateurs clefs, considérées comme essentiels par tous les partenaires.
Après 18 mois de crise sanitaire, quelle est la situation des orchestres ?
Comme dans tous les secteurs, l’inquiétude prévaut. D’abord en raison des incertitudes liées à la reprise de la pandémie. Ensuite, parce que nous constatons une érosion de la fréquentation : même si elle diffère d’un orchestre à l’autre, en fonction du contexte sanitaire local, elle atteint tout de même, en moyenne, 30%.
Enfin, les orchestres n’ont aucune visibilité budgétaire, pour les deux années à venir au moins. Ils sont, comme nos financeurs publics, face à une inconnue.
Que retenez-vous de la crise pour les orchestres ?
Lors des confinements, les orchestres ont continué à travailler, même avec de grandes difficultés et de façon très différentes de d’ habitude. De multiples captations ont été réalisées, pour maintenir le lien avec le public et diffusés notamment via les réseaux sociaux et les sites internet.
Il faut aussi souligner le soutien financier exceptionnel du ministère de la Culture, des régions et des villes .
Le développement des captations va-t-il se poursuivre ?
La réponse est encore totalement ouverte. Une chose est certaine : le concert vivant et le retour du public à 100% dans les salles sont notre priorité. Le numérique est un accompagnement du concert vivant, un outil de promotion et de diffusion plus large. Mais il ne doit pas remettre en question l’importance prioritaire du concert vivant, de l’échange avec les musiciens, de ce goût de la convivialité qui est une des motivations pour aller au concert. Ce lien généré entre les personnes par le concert vivant doit absolument reprendre le dessus.
Par ailleurs, cette expérience des enregistrements pendant les confinements nous oblige à engager une réflexion sur les modalités économiques de leur production et de leur diffusion.
De quoi s’agit-il précisément ?
Il faut réfléchir aux rapports entre les producteurs que sont les orchestres, avec leurs éventuels coproducteurs, et avec les diffuseurs. Qui paie quoi ? Comment reconnaît-on la valeur – financière – du concert enregistré ? Comment gère-t-on les droits des artistes, des producteurs, des diffuseurs. Et quelle est la place du service public de l’audiovisuel dans l’accompagnement de la diffusion ? Le travail sur les plans juridique et économique va s’intensifier dans les mois à venir.
Comment analysez-vous la place donnée aux orchestres par les collectivités et l’Etat ?
Cette place est paradoxale. C’est un fait, les orchestres coûtent cher, notamment en termes de masse salariale. Mais on ne met pas ce coût en regard de ce qu’il permet de produire comme effets, actions et projets artistiques ou sociétaux.
On s’attendrait plutôt à ce que les collectivités souhaitent rentabiliser cet investissement et mettent en valeur les actions conduites. On attendrait donc que cette évidence d’un financement public important s’efface derrière le rôle que jouent les orchestres.
Cette mise en valeur du rôle des orchestres ne peut que dépendre des spécificités locales et des objectifs des collectivités dans le cadre de leur libre administration. Le rapport de la «Mission orchestres» met d’ailleurs en lumière l’extrême diversité de ces institutions : grands et petits orchestres, ceux qui font du lyrique et ceux qui ne font que du symphonique, ceux qui sont autonomes, ceux qui dépendent d’une maison d’opéra, ou d’une salle, ceux sous statut public et ceux sous statut privé, ceux qui jouent surtout dans leur ville et ceux qui ont une activité régionale importante, ceux qui ont une activité à l’international, ceux qui n’en ont pas etc. Cette extrême diversité est à la fois un atout et une difficulté pour générer des ...
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