En réponse aux commandes publiques préconisées par Emmanuel Macron pour soutenir le secteur culturel, l’historien d’art Thomas Schlesser propose, dans une tribune au « Monde », de s’appuyer sur l’expérience des Nouveaux Commanditaires, qui « préconisent un partage de responsabilités entre tous les acteurs sociaux, notamment dans la recherche des moyens nécessaires ».
Tribune. Dans son intervention du 6 mai, Emmanuel Macron a lancé un appel à la commande publique. Il entendait rassurer ainsi les artistes et trouver une solution à la violente déshérence à laquelle les condamne la crise actuelle. L’intention est excellente.
Mais, par son caractère général, elle sonnait creux et rappelait l’« ancien monde ». Un monde où la commande émanait soit d’une bureaucratie culturelle préoccupée d’elle-même et des artistes sans attention pour les citoyens ; soit – depuis la tradition des Médicis – de grands mécènes surtout soucieux de leur propre image.
Si l’on veut que la commande soit bien l’avenir de l’art, il faut désormais la rendre vraiment démocratique. Elle offrira alors l’opportunité d’un nouveau chapitre de notre histoire.
Par de tels vœux, on pourrait croire à un appel utopique. Pas du tout. Plutôt que de perdre un temps précieux à spéculer sur les « réinventions » possibles dont le destin est de décevoir, concentrons le feu sur un modèle qui existe depuis des décennies, qui a totalement fait ses preuves, mais à bas bruit.
Il a complètement échappé aux radars paresseux des médias (y compris spécialisés) mais a été encensé et érigé en parangon de démocratie par des philosophes de l’envergure de Bruno Latour, Vinciane Despret ou Isabelle Stengers.
Ce modèle conçu par l’artiste François Hers est celui des Nouveaux Commanditaires, grâce auxquels ont été réalisés, depuis 1992, des centaines et des centaines de projets partout en Europe. La crise actuelle doit désormais en favoriser l’essaimage et l’action.
Matali Crasset, Yan Pei-Ming…
Les Nouveaux Commanditaires permettent à des groupes d’individus de faire valoir, à un moment de leur existence, le besoin d’une œuvre dans des contextes où la société est incapable de satisfaire cette nécessité : il peut s’agir de rendre visibles un lieu ou une activité dépréciée, de faire vivre une mémoire, de matérialiser une appartenance identitaire, d’améliorer un cadre de vie…
Les exemples sont potentiellement infinis. Un protocole de discussion et de négociation s’engage avec l’artiste, sans rien ôter à ses prérogatives, mais il suppose de sa part une belle écoute et l’acceptation d’une horizontalité véritable entre lui et ses commanditaires, avec l’aide d’un médiateur.
Ce protocole préconise un partage de responsabilités entre tous les acteurs sociaux, notamment dans la recherche des moyens nécessaires.
Cela peut aboutir, entre autres, à l’écriture par Bechara El-Khoury d’un requiem commémoratif des attentats de 2015, à l’installation par Michelangelo Pistoletto d’une chapelle œcuménique à l’Institut de cancérologie Paoli-Calmettes, à Marseille, à une...
Lire la suite sur lemonde.fr