Aux dernières nouvelles, des commandes publiques seront passées aux artistes. Quelles disciplines recouvrent ce vocable « d’artistes » ? Devront-ils avoir « moins de trente ans » comme semblait l’esquisser l’annonce présidentielle du 6 mai dernier ? De quels types de commandes s’agit-il ?
De quels projets ? Et surtout de quelle vision ? Pour l’instant, on peut résolument parler de flou… artistique.
Le monde entier fait désormais face à sa pire récession depuis 150 ans, d’après les estimations de la Banque Mondiale, et l’idée d’une réponse à la grande dépression culturelle à travers un vaste programme d’Etat n’a rien perdu de sa pertinence, bien au contraire.
Quand l’ancien ministre de la Culture, Jack Lang, prône un « new deal » culturel et appelle le gouvernement « à saisir la situation par les cheveux », ce n’est pas pour reproduire le programme mis en place aux Etats-Unis sous Roosevelt de 1933 à 1941, mais pour s’inspirer de son envergure et de son ambition. La question est donc : quel serait aujourd’hui ce « new new deal » de la culture ? Ou pour parler le langage du moment : comment « réinventer » la commande publique ? En la démocratisant, voilà ma théorie.
Cette ambition démocratique, fut d’ailleurs l’horizon (ou la ligne de fuite) du discours présidentiel qui appelait à« une révolution de l’accès à la culture et à l’art ». Appliqué au « new deal » culturel de Roosevelt, « l’ambition démocratique » trouve sa traduction dans des programmes de commandes très concrets. Compagnies de théâtres itinérantes ou régionales évoquant la crise et ses conséquences, écrivains et photographes sur les routes recueillant les récits de la récession, peintres couvrant de fresques murales les bâtiments publics, musiciens impliqués dans l’éducation populaire etc. : vous trouverez tout cela en détail sur le site de France Culture. Et il ne s’agit pas de calquer en 2020 le protocole de Roosevelt et ses conseillers.
Mais penser aujourd’hui ce que serait une commande publique à visée démocratique, c’est envisager une commande d’essence démocratique.
Une tribune publiée avant-hier dans le journal Le Monde évoque précisément ce changement de paradigme. Encore une tribune, me direz-vous. La séquence actuelle étant marquée par l’équation suivante : une collectif de « X auteurs » slash artistes slash cinéastes slash professionnels de la culture appelle le président à… Il se trouve que ce texte lance en effet un appel mais s’appuie sur une expérience concrète. Un protocole établi par l’artiste et photographe François Hers, baptisé « les nouveaux commanditaires » et porté depuis des années par la Fondation de France.
Le principe, c’est de permettre à des groupes de citoyens (réunis en association par exemple) de faire valoir le besoin d’une œuvre dans des contextes « où la société est incapable de satisfaire cette nécessité » - comme le résume l’auteur de la tribune, l’historien de l’art Thomas Schlesser.
Un partage de responsabilité entre les commanditaires et les artistes, permet donc d’apporter une réponse à ce « besoin d’art » plutôt que le voir servi « d’en haut ». Ce qui a pu donner naissance à l’écriture par Bechara El-Khoury d’un requiem commémoratif des attentats de 2015 par exemple, ou encre à une peinture de Yan Pei-Ming mettant en scène le personnel d’une cantine universitaire à Dijon.
L’aspiration participative, palpable avant la crise, trouverait ici une expression culturelle salutaire pour les artistes comme pour les citoyens.
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