Alors que certains lieux culturels espèrent rouvrir avant l’été, d’autres redoutent de ne pouvoir le faire que lorsqu’un vaccin au Covid-19 sera trouvé, explique, dans sa chronique, Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde ».
Chronique. L’ambiance dans la culture est bizarre en ce moment. Fébrile aussi. A la hauteur d’un changement de climat. Rouvrir ou pas ? Quand et comment ? C’est le sujet du jour. Certains patrons de lieux culturels l’espèrent, voyant les jeunes redescendre en masse et en joie dans la rue. Mais les températures sont contrastées. Après les librairies et galeries d’art, les musées, y compris les gros, sont en ébullition pour lever le rideau avant l’été. Les cinémas aussi. Pour les salles de théâtre ou de concert, c’est le froid polaire.
Un joyeux désordre, donc, et c’est normal, tant les incertitudes pullulent et les situations divergent. On a cru un moment que seuls les « petits musées à rayonnement local » pourraient rouvrir vite – c’est fait pour certains. Or quasiment tous, gros et petits, les monuments aussi, s’activent sur des scénarios de réouverture entre début juin et la mi-juillet : le Centre Pompidou, le Grand Palais, le Palais de Tokyo, le Quai-Branly, les fondations Louis Vuitton ou Cartier, les quatorze musées de la Ville de Paris aussi, les principaux en région, comme celui de Lyon, ou le château de Chambord. Même Le Louvre et Orsay sont de la partie.
Château de cartes
Outre la situation sanitaire, la question financière a joué dans ce changement de tonalité, tant l’Etat et les collectivités locales voient l’ardoise globale s’alourdir. Des milliers d’agents étant payés sans travailler, autant ouvrir… Et puis il faut donner le signe d’une relance – comme pour l’économie en général.
Mais ce n’est pas gagné. Ce mouvement est suspendu aux déclarations d’Edouard Philippe, le 2 juin ; un rebond du virus dans les jours prochains et le château de cartes s’écroule. Il faudra aussi l’adhésion des personnels et des syndicats, pas chauds pour ouvrir dans le danger. Chaque établissement doit aussi faire valider par la préfecture un dossier « hyper lourd » (réservations préalables, 4 m2 par visiteur, horaires élargis, salles fermées, circulation revue, etc.)
Ces dossiers montrent que le problème n’est pas la taille du musée mais le nombre de visiteurs et si l’espace permet de le réguler. Ce ne sera pas trop difficile pour le Palais de Tokyo, à Paris, centre d’art qui, dans 7 000 m2 et des salles proches du hall de gare, affiche en temps normal 450 visiteurs simultanément. Ce sera plus complexe pour le Louvre, qui comptabilise jusqu’à 40 000 personnes par jour l’été. Le Centre Pompidou prévoit par exemple une jauge réduite de 30 %.
Mais sera-ce nécessaire ? Car un scénario inquiète : cet été, si les touristes sont absents (80 % des visiteurs du Louvre ou de Versailles), les scolaires aussi, les urbains dans la verdure et les vieux à la maison, les musées risquent de voir leurs salles quasi désertes. Tant mieux, répondent les passionnés qui pestent sans cesse contre des lieux transformés en parcs d’attractions. Ils pourront enfin...
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