CLUB MEDIAPART – Face à la précarité subie par les professionnel.les de la médiation culturelle, défendons nos métiers et exigeons la reconnaissance de nos compétences.
PAR DÉFENSE DES PROFESSIONNEL·LES DE LA MÉDIATION CULTURELLE
QUEL EST NOTRE MÉTIER ?
Nous travaillons dans des musées d’art, d’histoire ou de sciences, au sein des lieux de patrimoine, dans des associations culturelles, dans le secteur du cinéma ou du spectacle vivant, dans des galeries et centres d’art contemporain, d’arts visuels, de photographie ou d’arts plastiques. Notre travail consiste à créer de l'interaction autour de propositions culturelles, à éveiller l'envie de se rapprocher de la culture au travers de visites, d'ateliers, de diverses actions de médiation.
NOTRE PARCOURS
On nous a dit de faire des études, d’aller le plus loin possible, de décrocher des diplômes, que ce serait la meilleure façon d’obtenir un travail intéressant et un bon salaire. Étudiant·es en médiation culturelle, en gestion de projets culturels ou dans d’autres domaines, nous avons travaillé dur pour obtenir une licence, encore plus dur pour décrocher un master, nous avons enchaîné des stages sous-payés pendant des mois, voire des années. Mais nous avons finalement obtenu notre diplôme, nous étions prêt·es à entrer dans le monde du travail.
ET TOUT ÇA POUR QUOI ?
Nous sommes surdiplômé·es mais sous-employé·es et sous-payé·es. Nous sommes médiateurs/médiatrices culturel·les, chargé·es de médiation, chargé·es des publics, guides conférencier/conférencières, animateurs et animatrices culturel·les…
LA RÉALITÉ DU TERRAIN
Beaucoup d’entre nous sont au chômage, ou enchaînent des petits contrats précaires, des contrats saisonniers, des vacations. Celles et ceux en poste font souvent face à des salaires ridiculement bas, cumulent plusieurs emplois, travaillent 35, 40, 45 heures par semaine pour 1200€ par mois sur des postes multi-tâches. Les collectivités territoriales nous embauchent sans perspective d'évolution de carrière, très souvent en catégorie C sans reconnaître nos diplômes et nos expériences professionnelles.
Nous sommes un trait d’union entre les institutions culturelles et les citoyen·nes. Nous savons que l’art, le patrimoine et la culture appartiennent à tout le monde. Alors nous tissons du lien et nous nous battons chaque jour contre l'élitisme, pour l’accessibilité de toutes et de tous à la culture et aux œuvres. Nous accueillons vos enfants dans les musées, centres d’art et théâtres, nous leur préparons des visites guidées et des ateliers artistiques spécialement conçus pour eux. Nous accueillons aussi les parents, le grand public, les personnes en situation de handicap, les jeunes, les personnes âgées… Nous allons vers des personnes qui se sentent exclues des lieux culturels. Nous sommes un maillon essentiel au cœur des enjeux culturels.
NOS ACTIONS
Nous concevons des visites pour toutes et tous. Nous développons des partenariats avec des acteurs du champ social. Accompagné·es ou non d’artistes intervenants, avec des scolaires, des chômeurs/chômeuses, des retraité·es, nous partageons notre amour de l’art et de la culture, réalisons ensemble des œuvres collectives, des films, des photographies... Nous réalisons des documents d’aide à la visite, des livrets pédagogiques, des applications numériques afin d’accueillir au mieux nos visiteurs. C’est en partie grâce à nos actions, aux innombrables dossiers de subventions que nous remplissons, que les structures reçoivent de l’argent public.
NOUS SOMMES DES OUBLIÉ·ES DE LA CULTURE
Dans le domaine des arts vivants, nos collègues technicien·nes et comédien·nes ont lutté pour bénéficier du système de l'intermittence qui leur assure une protection sociale. Le régime n'est pas parfait (nous soutenons nos collègues pour l'amélioration de ce dernier) mais il a le mérite d'exister. Nous ne bénéficions pas de régime particulier et ne sommes pas reconnu·es, à tel point qu'il n'existe pas de code ROME Pôle emploi attribué à notre métier qui existe depuis plus de 40 ans. Pourtant, nous sommes le premier contact de tous et toutes avec le patrimoine et la culture.
OUBLIÉ·ES ET POURTANT PRIMORDIAUX
Le domaine de la culture est le parent pauvre des politiques de subvention publique. Les médiatrices et médiateurs semblent être une variable d'ajustement alors même que la mission d'accueil des publics est un objectif fondamental pour les lieux culturels et qu'elle conditionne l'obtention de subventions. Depuis la loi relative aux musées de France de 2002, la transmission et les actions de médiation en direction des publics font partie des missions primordiales des musées. En outre, cette loi est régulièrement inscrite dans le cahier des charges des aides à la création dans le spectacle vivant.
PRÉCARITÉ
Est-il normal que des structures recevant des subventions publiques participent aussi ostensiblement à la précarité des travailleurs et travailleuses de la médiation culturelle ? Nous savons que nos collègues régisseurs/régisseuses, chargé·es de communication, agent·es d’accueils, administrateurs/administratrices sont également touché·es par cette précarisation. Mais il semblerait que la nature même de nos métiers - souvent liés à des expositions temporaires ou des projets ponctuels – nous expose encore plus à la pauvreté.
UNE CONCURRENCE DÉLOYALE
Comme si cela ne suffisait pas, depuis une dizaine d’années, nous faisons face à une concurrence déloyale et à un nivellement par le bas de nos salaires qui prennent des proportions catastrophiques en raison de l’utilisation massive des missions de service civique. Le service civique n’est pas un emploi mais un « engagement citoyen » soit un volontariat qui donne lieu à une indemnité et non un salaire. Ce système est complètement dérogatoire au droit du travail. Une personne en service civique reçoit une indemnité de 473€ payée par l’État, elle ne cotise pas pour l’assurance chômage, ne peut percevoir ni le RSA, ni une allocation chômage. Les missions peuvent être très longues, jusqu’à 12 mois. Ce statut, en plus d’être extrêmement désavantageux pour les jeunes, est maintenant complètement détourné de ses objectifs initiaux par des structures culturelles peu scrupuleuses. À l’origine réservé à des jeunes non diplômé·es, le service civique est maintenant utilisé comme un emploi déguisé et sous-payé. Les services civiques dans la culture sont très souvent des diplômé·es du supérieur qui ne trouvent rien de mieux qu’un faux-emploi payé moins de 600€/mois. Très souvent, les missions de service civique sont en réalité de véritables emplois aux fiches de poste à rallonge, et parfois même avec des responsabilités. Il existe encore d'autres types de contrats qui rendent notre métier de plus en plus précaire comme les contrats aidés, ou les contrats adultes-relais. L’externalisation des fonctions d’accueil et de médiation participent aussi à cette précarisation.
LUTTER ENSEMBLE
On nous oppose souvent que les structures n’ont pas le choix car les subventions ont drastiquement baissé depuis plusieurs années, et cela est vrai. Néanmoins, elles ont toujours le choix de se battre avec nous pour réclamer de meilleures conditions de travail pour tout le monde. C’est pour cela que nous exigeons le retour des subventions de fonctionnement servant à financer des emplois durables et respectueux dans le secteur culturel et plus largement la mise en place d'un véritable service public de la culture.
NOS REVENDICATIONS
1-CRÉATION D’UNE CONVENTION COLLECTIVE
Nous militons pour la création d'une convention collective qui soit dédiée aux secteurs des arts plastiques et pour l’extension de cette convention par arrêté ministériel à toutes les entreprises du secteur des arts plastiques. De même, nous demandons l’extension des conventions collectives de l’animation et des entreprises artistiques et culturelles. Quel que soit l’environnement de travail des professionnel·les de la médiation - musées des beaux arts, musées scientifiques, lieux de patrimoine, associations culturelles, centres d’art - ils et elles doivent être protégé·es par une convention juste. Les métiers de médiateur/médiatrice et chargé.e de médiation doivent apparaître sur ces conventions et être justement rémunérés.
2-FAVORISER L'EMPLOI PÉRENNE
Afin de mettre un terme à la précarisation du métier, nous exigeons que les subventions publiques soient allouées à la pérennisation des contrats des employé·es. Nous voulons une hausse des subventions publiques pour les budgets de fonctionnement et le personnel employé. Les subventions devront être en partie utilisées pour la pérennisation des emplois : embauche des médiatrices et médiateurs saisonniers, des vacataires et des auto-entrepreneur·es en CDI.
3-UNE RECONNAISSANCE DE NOS DIPLÔMES
Valoriser nos diplômes et nos acquis d'expériences professionnelles via une hausse des salaires. Une personne disposant d'un diplôme de niveau Licence, Master, Doctorat, ne doit pas être payée au salaire minimum.
4-RECONNAISSANCE DE NOTRE MÉTIER
Enregistrer le métier de médiateur/médiatrice culturel·le dans la nomenclature des métiers de l’INSEE, création d'un code ROME Pôle emploi ainsi que la création d'un code APE pour les auto-entrepreneur·es.
5-REVALORISER LA MÉDIATION CULTURELLE DANS L'EMPLOI PUBLIC
Les professionnel·les de la médiation culturelle sont très souvent embauché·es sur des postes en catégorie C. Il n'y a pas d'exigence de diplôme pour devenir agent·e en catégorie C alors que le métier de médiateur/médiatrice exige un master ou une licence au minimum ... Nous exigeons des embauches en catégorie B ou A en fonction de la fiche de poste.
6-RESPECT DU TRAVAIL
Nous n’exigeons ni plus ni moins que le respect du droit du travail : repos journaliers, temps de travail hebdomadaire, temps de travail à la journée...
7-FIN DU TRAVAIL DÉGUISÉ ET SOUS PAYÉ
Le service civique n'est pas un emploi mais un volontariat. En aucun cas, il ne doit remplacer des emplois existants. Les mesures que nous préconisons :
1/ Réserver les emplois en service civique aux personnes non diplômées ou étudiant·es.
2/ Mieux contrôler le nombre de service civique qu'une structure peut embaucher sur une année.
3/ Limiter la durée du service civique à 3 mois maximum.
8-L’AUTO-ENTREPRENEURIAT NE DOIT PAS ÊTRE UN SALARIAT
Des structures culturelles utilisent le statut d'auto-entrepreneur pour déguiser des...
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