Le conservatisme des directeurs de musées explique pourquoi les acquisitions d'œuvres de femmes ont même tendance à décroître.
«Pourquoi n'y a-t-il pas de grande artiste femme?» En 2015, le magazine américain Artnews se posait la même question qu'en 1971. En 2020, il pourrait se la poser différemment. Pourquoi les femmes artistes ne sont-elles pas plus visibles dans les musées? Et les choses, justement, commencent à changer. Le Musée de Blatimore a décidé d'y répondre à sa façon. Pour célébrer le 100e anniversaire du droit de vote des femmes aux États-Unis, le musée a pris une initiative forte: n'acheter cette année que des œuvres de femmes et organiser uniquement des expositions d'artistes féminines, dont la plus attendue sera la rétrospective de Joan Mitchell en septembre.
Lorsque le directeur du musée Christopher Bedford a annoncé cette décision l'été dernier, il l'a présentée comme «un acte inhabituel et radical».
Il n'en est pas à son coup d'essai. En 2018, il a mis en vente sept œuvres de grands noms de la peinture américaine d'après-guerre dont des Rauschenberg et Warhol pour avoir les moyens de diversifier la collection du musée en achetant des œuvres d'artistes afro-américain·es et de femmes.
Dans les mois qui ont suivi, le musée a fait entrer onze nouvelles œuvres dans ses collections dont cinq signées par des femmes. Dans une interview à Artnet News, Bedford soulignait alors que le processus ne ciblait pas les artistes masculins blancs, mais s'en prenait à «la redondance, qui est elle-même est la conséquence d'un parti pris institutionnel depuis des décennies».
Moins de 10% de femmes exposées
Si l'initiative du Musée de Baltimore a attiré l'attention, elle n'est pas isolée. Toutes les grandes institutions américaines et d'ailleurs sont aujourd'hui confrontées à la même demande de grande visibilité d'œuvres d'artistes féminines. Mais elles se heurtent à un problème de fond, le manque dans leurs collections permanentes d'œuvres signées par des femmes. Dans les plus grands musées, elles représentent en général moins de 10% des collections permanentes. Un chiffre qui est sans doute exagéré. En 2015, 7% des 410 œuvres exposées dans les galeries des 4e et 5e étages du MoMA étaient des œuvres de femmes. Depuis sa réouverture en 2019, ce chiffre serait passé à 28%.
Une étude publiée dans la revue en ligne PLOS One en mars 2019 souligne que les hommes représentent 87% des artistes dans dix-huit grands musées des États-Unis.
Le Louvre ne compte qu'une trentaine de peintures de femmes artistes dans ses collections.
Au Prado à Madrid, neuf peintures sont signées par des femmes parmi les plus de 1.700 que l'on peut voir dans la collection permanente. On peut y ajouter une dixième œuvre, la sculpture de Cristina Iglesias située dans l'accès au bâtiment d'extension Moneo.
En France, le Louvre ne compte qu'une trentaine de peintures de femmes artistes dans ses collections et pour le musée d'Orsay, sur les 4.463 artistes de la collection permanente, on compte seulement 296 de femmes, un peu moins de 7%. Il faut ajouter à ce constat, celui de la nature et de l'importance des œuvres. Au Louvre, parmi les 700 qui sont répertoriées dans la base Joconde, la très grande majorité s'avère...
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