Au-delà du soutien de l’Etat, c’est aux dirigeants d’institutions et d’établissements culturels de réinterroger leurs positions traditionnelles. Le directeur général de la Cité de la BD, à Angoulême, propose quatre pistes pour «l'après-covid».
Tribune. Le monde de la culture ne sortira pas indemne de la crise sanitaire, nous le savons. L’Etat doit prendre toute la responsabilité qui est la sienne, dans un pays comme le nôtre où sa politique culturelle fait figure de modèle quasi universel. Mais au-delà du soutien de l’Etat, c’est aux acteurs culturels eux-mêmes, et particulièrement aux dirigeants d’institutions et d’établissements culturels, de réinterroger leurs positions traditionnelles et de considérer que les enjeux d’organisation et la politique des publics sont les meilleures armes pour protéger et aider les artistes. Leur force de frappe est sans équivalent grâce à un très dense réseau d’institutions faites d’équipes engagées et talentueuses, qu’il s’agisse des bibliothèques, des centres d’art et lieux d’expositions, des conservatoires, des salles de concerts, des musées ou des théâtres, et grâce aux relations de confiance qu’ils ont noué avec les artistes, avec les pouvoirs locaux et avec les publics.
Une contribution volontariste des institutions
Quatre pistes devrait guider un aggiornamento. La première vise à contribuer à la reconstruction des écosystèmes de la création très durement touchés par la crise sanitaire. Les deux mois de confinement avec la fermeture de tous les lieux de culture et des festivals et la lente reprise des activités alourdiront le coût global pour les artistes, mais aussi pour les producteurs et les diffuseurs.
Les institutions culturelles doivent apporter une contribution volontariste en partageant le plus possible les ressources dont elles disposent : locaux de travail, équipes, matériels, sites internet, réseaux sociaux et les quelques financements qu’il leur reste pour accueillir les artistes qui auront besoin de ces moyens, leur donner une visibilité et favoriser ainsi la reprise de leurs activités de création. Par exemple, pensons aux auteurs qui souffrent de cette crise, notamment les auteurs jeunesse et les auteurs de bande dessinée. Les médiathèques, en lien avec les librairies, pourraient imaginer de renforcer leur soutien aux auteurs les plus fragiles, ceux qui construisent une œuvre exigeante et donc plus difficile à vendre, en ayant chacune un «auteur associé» sur la saison 2020-21, en leur offrant des moyens de sensibiliser de nouveaux publics.
Les institutions culturelles doivent également jouer le rôle de catalyseur d’idées pour mieux promouvoir, sensibiliser les populations, les pouvoirs publics locaux, les entreprises et toutes les forces vives d’un territoire à ce que les artistes peuvent apporter à la reprise des activités du pays.
La deuxième piste consiste à faire évoluer l’économie des structures en s’inspirant des outils de l’économie sociale et solidaire, notamment en mutualisant les moyens entre institutions. Ces mutualisations pourront s’attacher aux fonctions support (gestion budgétaire et financière, communication, systèmes d’information, etc.) de manière structurelle ou sur des projets spécifiques. Elles seront génératrices de nouvelles richesses et permettront de redéployer les économies réalisées pour aider notamment les artistes-auteurs. Bernard Latarjet a écrit en 2018 un rapport passionnant sur l’économie sociale et solidaire appliquée à la culture qui constitue une boîte à outils remarquable. Il s’agira également de produire différemment, avec le souci de mieux faire partager et mieux diffuser.
La troisième piste doit renforcer notre utilité sociale envers les populations et les territoires fragilisés par la crise qui a accentué les relégations et les inégalités. Notre politique culturelle a besoin d’un nouvel élan démocratique. Les acteurs culturels doivent en être les artisans et les moteurs. Il est urgent de...
Lire la suite sur liberation.fr