La tribune publiée la semaine passée dans « Le Monde », signée par des artistes aussi variés que prestigieux, a suscité un certain agacement, voire une véritable irritation. Pour Olivier Babeau, elle méconnaît avant tout le fait que la création de richesses est le moteur essentiel sans quoi les artistes, et nous avec, ne pourraient disposer du luxe de consacrer du temps et de l'argent à ce qui fonde pourtant le socle de notre civilisation.
A l'instar du tourisme et de la restauration, le monde de la culture est durement touché par une crise sanitaire qui interdit (peut-être pour longtemps) les rassemblements. Dans ce contexte difficile, les prises de position de célébrités se multiplient. Elles ne demandent pas seulement une hausse des crédits alloués à leur secteur. Leur critique, comme celle qui est développée dans une tribune publiée dans « Le Monde » du 7 mai 2020, se fait plus radicale. Elle réclame l'abandon paradoxal d'un système qui les nourrit et auquel la culture qu'ils défendent doit beaucoup.
Le luxe de l'inutilité matérielle
L'élaboration de productions culturelles sophistiquées a toujours reposé sur la capacité des groupes humains à s'abstraire des exigences immédiates de l'existence. La culture est ce temps volé à la lutte quotidienne pour la survie où nous pouvons nous offrir le luxe de l'inutilité matérielle afin de développer ces représentations partagées qui fondent les civilisations. Elle est cette activité essentielle qui n'est possible que si d'autres ont pourvu au nécessaire.
Historiquement, les périodes d'intense production culturelle ont été en lien direct avec des époques de prospérité. Florence ou Venise n'ont pu encourager les arts que grâce aux richesses apportées par de fructueux commerces. Il fallut le succès de marchands et de banquiers comme les Médicis pour que tant de ressources soient consacrées à ces célébrations de la créativité humaine.
On le sait, l'encouragement des arts et des lettres a aussi été un outil utilisé par des pouvoirs soucieux de mettre en scène leur grandeur. Ces volontés politiques conjuguées à la vanité des commanditaires ont donné des chefs-d'oeuvre éternels. La ferveur religieuse, bien sûr, a nourri de prodigieux élans créatifs dont l'humanité restera pour toujours stupéfaite. Dans tous les cas, rien n'aurait été possible sans que soient mobilisées, en vertu de la volonté de quelques-uns, des richesses produites par le dur travail des gens de cette époque.
Décroissance de la culture
Notre époque n'a pas abandonné la culture. L'ampleur des moyens qui lui sont consacrés ne le cède en rien aux siècles précédents. Industries créatives, musées, monuments et spectacles vivants foisonnent. Aujourd'hui comme autrefois, qu'il soit privé ou public, le secteur culturel dépend étroitement du reste de l'économie pour exister. Dans certains cas, les mécanismes de marché en permettent...
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