TRIBUNE – Pour sauver l’Opéra, il faut encourager le mécénat, favoriser les mutualisations et les coproductions, développer l’éducation à l’art lyrique à l’école, suggère, dans une tribune au « Monde », le président du Centre national de la musique.
Les annonces récentes de coupes dans les programmations, et même de fermeture pour plusieurs semaines, de certains Opéras de France parmi les plus importants – Rouen, Montpellier, Strasbourg, d’autres demain – font craindre le pire pour l’avenir de l’art lyrique : ira-t-on encore à l’Opéra dans dix ans ?
La crise du Covid, qui a fermé les salles de concerts et distendu la relation du public avec les lieux de spectacle, suivie ensuite par la guerre en Ukraine et le retour d’une forte inflation, n’est pas la seule explication de la situation actuelle. Ces facteurs n’auront été, au fond, que des accélérateurs de périls. Car, depuis toujours, sévit la malédiction des coûts croissants caractérisée par les économistes William Baumol et William Bowen dans les années 1960 : il n’y a, au fil du temps, pas de gain de productivité pour donner La Flûte enchantée de Mozart et, au contraire, les dépenses salariales et les technologies qui évoluent sans cesse – les décors qui ont remplacé les toiles peintes, la vidéo aujourd’hui – sont synonymes de fortes hausses des coûts.
En face, les recettes de billetterie, dans des théâtres qui dépassent rarement 1 500 places, sont condamnées à stagner, sauf à augmenter les prix de manière inconsidérée. Quant aux finances publiques, étatiques comme locales, elles ne peuvent plus suivre. Reste le mécénat qui, en France grâce à la loi Aillagon de 2003, une des plus favorables au monde, a, pour les Opéras qui le peuvent, comblé les trous. Pour les directrices et directeurs de la trentaine de salles lyriques du pays, l’équation a toujours été difficile. Elle relève désormais de l’impossible. A l’étranger, la situation n’est guère plus reluisante, comme le démontrent les tribulations du English National Opera, les taux de remplissage très moyens du Metropolitan Opera, à New York, ou les inquiétudes exprimées en Italie, berceau du lyrique, de Milan à Naples.
Pas une larme pour l’Opéra
Fermer est évidemment commode : renoncer à un lever de rideau supplémentaire permet de réaliser des économies en évitant des dépenses. De fait, en dix ans, le nombre de représentations lyriques en France a déjà baissé, à bas bruit, de près de 25 %, avec moins de spectacles différents et moins de levers de rideau. Outre le déchirement que cela représente pour les équipes permanentes, cela signifie aussi moins de travail pour les intermittents, moins de cachets pour les artistes invités, moins d’activités pour les ensembles indépendants, pour les fournisseurs et autres hôtels et restaurants voisins. Cela signifie surtout une offre culturelle en recul.
Certains, sans doute, ne verseront pas une larme pour l’Opéra, « spectacle ringard pour les riches-blancs-diplômés-de-centre-ville » et, au mieux, dirigeront les subventions vers d’autres types d’actions culturelles plus « utiles ». Ils fermeront pudiquement les yeux sur les quelque 2 millions de billets vendus par an pour des spectacles lyriques, y compris d’ailleurs à des jeunes via le Pass culture. Ces populistes d’horizons très variés oublieront que...
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