« Le pass culture souffre d'un coût prohibitif pour une efficacité discutable », estiment dans une tribune deux personnalités du monde culturel. « Le déployer plus largement alors que les arts vivants et le patrimoine ont besoin de crédits est une hérésie. »
François de Mazières, maire de Versailles, ancien député, et Patrick Bloche, adjoint à la maire de Paris, député honoraire, ont signé une tribune parue dans Les Echos. Issus de familles politiques opposées, ils s’insurgent contre la poursuite du Pass Culture après la crise sanitaire liée au coronavirus, et, surtout, contre son élargissement au sport comme réclamé par certains.
« L'idée d'un Pass Culture pour les jeunes fait en effet partie des marronniers des élections, qu'elles soient présidentielles ou locales. Séduisante sur le papier, elle s'accompagne rarement d'un succès durable, son coût étant prohibitif par rapport à ses effets réels sur l'accès de tous à la culture », écrivent-ils. « L’expérimentation mise en place s'est faite dans la douleur avec, à la clé, une controverse quant aux montants versés aux responsables du développement du projet et des résultats peu convaincants. En effet, faute de moyens suffisants, les entreprises culturelles et les collectivités locales ont dû être sollicitées par l'Etat. »
Les deux auteurs de la tribune poursuivent : « Est-ce aujourd'hui la priorité de consacrer 720 millions [que coûterait l’élargissement du pass au sport, NDRL] à une mesure, dont l'impact sur les pratiques culturelles des jeunes est pour le moins incertain, et au moment où notre patrimoine manque cruellement de moyens et où les arts vivants subissent une crise jamais vue ? Clairement non. On peut en effet facilement imaginer que les jeunes de cette classe d'âge seront plus enclins à s'acheter un billet pour un match de football, dont les coûts sont souvent élevés, ou à payer leur entrée dans un équipement sportif, plutôt que d'aller s'acheter des livres ou une place de théâtre. Cette proposition non seulement est un gouffre financier, mais en plus pourrait signer la mort du pass à vocation culturelle. »
Pour les deux personnalités politiques, le Pass Culture est « une fausse bonne idée à ne pas creuser » et il faut aujourd'hui se poser les bonnes questions : « Interrogeons-nous sur les vraies priorités pour relancer la culture. Pour le spectacle vivant, une très bonne mesure a été prise en urgence, celle de sauver le régime des intermittents. Il faut maintenant sauver les institutions elles-mêmes, les théâtres, les salles de concerts… Le monde des musées est lui aussi en pleine déroute. Leur modèle économique repose depuis quelques années essentiellement sur la croissance de leurs recettes propres et ils doivent faire face à des pertes vertigineuses. Cette crise est l'occasion de s'interroger sur le modèle même de leur développement. Peut-on en effet toujours compter sur l'augmentation du public, alors que ces lieux fragiles arrivent clairement à saturation ? »
Romain Dalby
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