Ouvrir l’espace des possibles culturels pour tous est un enjeu démocratique soulignent, dans une tribune au « Monde », trois universitaires. Ils relèvent que le public populaire est désormais passé du statut de cause à défendre à celui de problème à résoudre.
Tribune. La prise de position semblait anodine, elle est passée relativement inaperçue. Ainsi, interrogé sur la perspective qu’en échange de son soutien financier, l’Etat demande aux théâtres d’agir « pour mieux diversifier leurs spectateurs », Stanislas Nordey, le directeur du Théâtre national de Strasbourg (TNS), se montre « agacé » par cette éventualité : « Nous travaillons tous en ce sens, mais selon moi, le théâtre public est comme le cinéma art et essai : on ne fera jamais venir toute la société » (« Les salles de spectacle à la recherche de l’alchimie perdue », par Michel Guerrin, Le Monde du 2 juin).
Au-delà des critiques que cette déclaration peut susciter dans une conjoncture difficile, où nombre de compagnies ne bénéficient que d’un accès limité aux subventions publiques (tout en effectuant parfois un travail quotidien d’éducation populaire), une telle prise de position semble révélatrice d’un processus plus général de relégation discrète, dans de nombreux espaces institutionnels des politiques culturelles, de ce qui constitue pourtant l’un de leurs principes fondateurs : l’accès du plus grand nombre à l’ensemble des pratiques culturelles.
Si le spectacle vivant (théâtre, spectacles chorégraphiques, opéra, opérette) s’est progressivement coupé du public populaire (comme en témoigne le livre de Lawrence W. Levine Culture d’en haut, culture d’en bas, paru aux Etats-Unis en 1988), il est exact qu’il s’est largement ouvert à la classe moyenne.
Désormais, nombre de salles sont pleines, le coût des abonnements est parfois élevé et les campagnes de communication visent ouvertement un public « acquis », sur le mode du clin d’œil et de la connivence : il va désormais de soi que les autres – renvoyés à la culture populaire de masse – en sont exclus. Pour quelle raison ? Vraisemblablement parce qu’une partie de la petite bourgeoisie intellectuelle a accepté de fermer la porte derrière elle en profitant d’un certain entre-soi.
« Propension à se surévaluer soi-même »
Ainsi, un héritier bénéficiant du capital culturel, social, artistique et intellectuel légué par ses parents, occupant des positions de pouvoir dans l’administration culturelle publique, dévoile par ses propos apparemment innocents la position parfois ouvertement élitiste d’une partie de...
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