Malgré leur manque de moyens et en dépit des tracasseries administratives, squats, friches et lieux intermédiaires tentent d'apporter soutien et réconfort aux artistes et aux plus démunis.
«Avec la pandémie, je suis contente de ne pas être dans une compagnie sous perfusion constante de l'Etat et de me débrouiller avec presque rien», se rassure Julie, accoudée à une fourgonnette dans la cour du Shakirail, friche artistique coincée entre un pont et un chemin de fer du nord-est de Paris (XVIIIe). Une lumière au loin éclaire faiblement l'immense bâtisse désaffectée transformée depuis presque dix ans en salles de répétition pour artistes émergents. Vivant toute l'année sur une économie de disette, jamais à l'abri de se faire dégager par la police (cf. l'évacuation de Mains d'œuvres en octobre), les friches artistiques, squats et autres lieux intermédiaires subissent une précarité qui est devenue paradoxalement un atout par ces temps de Covid-19. Il suffit de jeter un œil à leurs pertes financières. Curry Vavart, association qui gère sur Paris le Shakirail, le Théâtre à Durée indéterminée ou la Villa Belleville et accueille plus de 400 artistes par an, estime avoir perdu moins de 14 000 euros en mars et en avril. Et pour les gros mastodontes comme la Friche la Belle de Mai à Marseille, l'union fait la force : «On est une société coopérative d'intérêt collectif. A partir de là, tout est dit ! s'exclame Alain Arnaudet, directeur de la Friche. On va tenter de trouver un équilibre entre les 70 lieux qu'on abrite, dont certains sont conventionnés, pour essayer de les sauver tous.»
Difficile de mettre tout le monde dans le même sac. Chaque structure a un modèle propre, hérité des combats menés pour occuper les lieux. Certains paient un loyer en dessous des réalités du marché, d'autres disposent gratuitement de locaux grâce à la ville, parfois seulement à titre temporaire, ou réussissent à décrocher des subventions de fonctionnement. Mais la plupart fonctionnent avec peu de salariés, souvent deux ou trois, pratiquent une billetterie à prix libre et prêtent gracieusement ou à des prix dérisoires ateliers et salles de répétition, soucieux d'accompagner une scène artistique souvent aussi précaire que leurs structures. «On a bon dos d'être résilient, lâche Jules Desgoutte, coordinateur de la plateforme Artfactories, qui fédère des lieux culturels, comme la Briqueterie à Amiens (Somme), Mix'art Myrys à Toulouse ou la Friche Lamartine à Lyon (IIIe). Nos lieux reposent fortement sur l'engagement des bénévoles et si à la fin du confinement, ils sont obligés d'additionner les heures pour pouvoir toucher leurs intermittences ou de faire un travail alimentaire prenant à cause de l'annulation des festivals d'été, ils ne pourront plus s'investir.» A Doc !, squat toléré dans le XXe arrondissement de Paris, les occupants ont décidé de...
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