La pandémie a exacerbé la nécessité de « réinventer » la relation des lieux artistiques à leurs publics et la dématérialisation des œuvres accélérée ces derniers mois, à la faveur du numérique, n’a pas suffi à réduire les inégalités d’accès.
Et si les classes supérieures cultivées délaissent les pratiques les plus distinctives au profit des répertoires populaires, cela ne signifie pas pour autant que la culture savante soit en voie de démocratisation. Seul un modèle de politique culturelle fondé sur une éthique de la réciprocité permettra d’atteindre cet horizon. Rediffusion du 14 janvier
Par Philippe Coulangeon
SOCIOLOGUE
En ce début 2022, le secteur culturel, et plus particulièrement le domaine des arts vivants, dont l’activité peine à retrouver son niveau habituel après presque deux ans de quasi-mise à l’arrêt, est régulièrement sommé de réinventer sa relation à des publics qui tardent à retrouver le chemin des musées, des salles de cinéma et des salles de spectacles.
Les défis du monde « d’après » ne sont pourtant, tout compte fait, pas très différents de ceux du monde « d’avant ». Avant comme après la pandémie, une grande partie de la population française demeure très éloignée d’une offre culturelle, en particulier de celle des théâtres, musées, et salles de concert, qui se situe au cœur des politiques publiques de la culture et à laquelle les catégories supérieures urbaines diplômées continuent en revanche d’entretenir un rapport privilégié.
Dans le monde d’avant comme dans le monde d’après, la question prioritaire est moins celle du retour des publics d’hier que celle de la conquête des publics de demain. La succession des enquêtes sur les pratiques culturelles des français publiées à intervalle régulier depuis le début des années 1970 dresse à cet égard un constat sans appel : dans le domaine culturel, la tendance dominante est à l’inertie des écarts, entre diplômés et non-diplômés, entre classes supérieures et classes populaires, entre urbains et ruraux. Sous ce dernier rapport, la politique publique d’aménagement culturel du territoire, initiée dans les années 1960 et relayée par l’action des collectivités territoriales dans le cadre des lois de décentralisation du début des années 1980, a substantiellement réduit la dimension géographique des inégalités d’accès à la culture, mais celle-ci demeure néanmoins...
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