On entend beaucoup dire en ce moment, en sinistre contexte, qu’il faut « séparer l’homme de l’artiste » : par là, on entend en principe défendre l’idée que les œuvres d’art ou les productions culturelles doivent être appréciées indépendamment du jugement que l’on porte sur leurs auteurs, afin de garantir à notre évaluation esthétique son impartialité et son objectivité. On demande alors de juger l’œuvre, surtout pas l’homme qui l’a produite, et celui-là est censé disparaître derrière sa réalisation – quand bien même il aurait été le premier à s’y être comparé et même si c’est bien à lui qu’on donne des récompenses ensuite.
En littérature, le débat court depuis longtemps : sur ce site-même on en reparlait récemment à travers l’analyse des idées de Saint-Beuve. C’est un grand classique de la critique littéraire que de se demander si on doit ou non s’intéresser aux biographies des écrivain·es pour juger leurs textes – Sainte-Beuve jugeait que oui et le mettait largement en pratique, Proust en réponse prônait la distinction entre le « moi social » et le « moi profond » de la personne qui écrit. Cette opposition, en réalité ne recouvre pas exactement celle qui propose de « séparer l’homme de l’artiste » mais a souvent été comprise ainsi. Vieilles idées, vieux débats sans fin : la réalité est toujours trop complexe pour être réduite à des schémas binaires.
Il y a pourtant une phrase qu’on prononce moins souvent : on parle peu de « séparer la femme de l’artiste ». Pourquoi ? D’abord parce que, évidemment, dans « séparer l’homme de l’artiste » on est censé devoir comprendre qu’on parle de l’être humain en général – femmes comprises. Peut-être aussi parce que...
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