Indécisions politiques, flous juridiques, assureurs intraitables, fans pressés de se faire rembourser... Les organisateurs de festivals jouent leur survie. A l'horizon, de possibles concentrations, une refonte du modèle et une création amputée.
Aurait-on pu imaginer Bourges sans Printemps, Belfort sans Eurockéennes, Vienne sans Jazz, La Rochelle sans Francos, Orange sans Chorégies, Montpellier sans danse, Avignon sans théâtre, Aix sans opéra… ? Malgré une économie fragile, l'engouement pour ces festivals semblait inaltérable.
Même les aléas météo ne semblaient pas freiner les ardeurs : nombre d'événements affichaient complet, certains avant même l'annonce de l'affiche. Pourtant, l'impensable s'est produit : avec la déflagration de la pandémie, c'est un parcours du combattant qui attend les organisateurs des 2.640 festivals musicaux organisés chaque année entre avril et août - et même 4.000 si l'on y ajoute la danse, le théâtre, le cirque, les arts de la rue, la photo...
Première embûche : l'absence de cadrage clair des politiques qui plonge les organisateurs dans un flou juridique. Ceux-ci ont attendu, les uns après les autres, le décret gouvernemental ou l'arrêté préfectoral interdisant leur rassemblement, pour en prononcer l'annulation ou le report. Ce cas de force majeure leur permet de rompre les contrats sans pénalité et de récupérer les acomptes versés aux artistes, techniciens ou fournisseurs.
Mais plusieurs ont été pris de court : alors que le président de la République décidait le 13 avril d'interdire les regroupements importants jusqu'à mi-juillet, les Vieilles Charrues devaient s'ouvrir le… 16 juillet. Avec en vedette Céline Dion, qui de toute façon n'aurait pu venir, les vols internationaux étant suspendus : mais pas question pour les agents de l'artiste de dégainer les premiers dans ce jeu de poker menteur…
Annulations sans filet
Jérôme Tréhorel, le directeur de cet événement associatif non subventionné, a préféré quitter la partie avant d'engager « l'artillerie lourde » et le montage de ses cinq scènes. « Nous avons déjà 7 millions de pertes sur les bras, dont 5 d'avances sur le cachet des artistes, 1,5 de frais de fonctionnement et 500.000 euros de contrats de prestations », explique-t-il.
Le 23 avril, Jazz in Marciac décidait à son tour une annulation sans filet, malgré les 250.000 fans espérés. « On a différé au maximum, mais la décision de l'Etat n'arrivant pas, chaque jour générait son lot de dépenses et d'impossibilités : suspension des tournées et des vols, pandémie aux Etats-Unis, qui sont un gros pourvoyeur d'artistes, conditions sanitaires et de sécurité ingérables... Comment envisager, le 24 juillet, l'accueil du public sous un chapiteau de 10.000 places ? Pour ne pas désespérer la population, l'Etat n'a pas voulu prendre ses responsabilités plus tôt, comme d'autres pays. Mais cela met en difficulté, voire en péril, des...
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