Les Etats ont beau jeu d’invoquer le caractère essentiel de la culture. Mais ils l’ont exclue systématiquement de leur liste de commerces qui échappent au confinement, déplore Michel Guerrin, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.
Chronique. Pour le dire trivialement, la culture est-elle un produit de première nécessité, aussi vital pour l’esprit que les fruits et légumes le sont pour le corps ? C’est un sujet de colloque. Mais qui pèse lourd, tant le secteur accumule les millions d’euros de pertes à cause du coronavirus. Et là, on voit que la question cache une bonne dose de boursouflure et d’hypocrisie.
Déjà, pendant ce confinement, on entend de belles paroles sur l’art qui aurait sauvé les gens en quarantaine. On ressort une formule incertaine de Churchill pendant le second conflit mondial, alors qu’on lui proposait de couper le budget culturel : « Si nous sacrifions notre culture, pourquoi nous faisons la guerre ? »
C’est juste mais cassons l’ambiance. D’abord, le confinement tue la culture et amplifie une fracture. L’immense majorité des gens, on peut les comprendre, plongent dans le zapping, le clip potache, la lecture digest, le divertissement rapide, tout un magma amplifié par l’Internet. Une minorité, toujours la même, suit les conseils de films, spectacles ou livres à déguster sur écran en privilégiant la perle. Et puis ça se saurait si la culture était essentielle. Elle n’existe pas dans une campagne électorale, elle est marginale dans le budget de l’Etat, elle pèse peu dans les débats de société. Elle nourrit mais ne sauve pas.
Pas envie de jouer les grognards au front
L’expression « produit de première nécessité » que l’on colle à la culture a pourtant été brandie un peu partout en Europe, même aux Etats-Unis, et chaque fois elle a volé en éclats.
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