On l’entend partout : la culture coûte cher aux finances publiques. L’association Réseau Salariat développe l'idée inverse : la culture serait productrice de valeur économique et pourrait être financée sur un modèle proche de la sécurité sociale du soin. Entretien avec Rémy Cardinale, musicien, enseignant et coauteur du livre “Pour une sécurité sociale de la culture”.
Pourquoi la culture aurait-elle besoin d’une sécurité sociale, au même titre que le système de soin ?
La sécurité sociale de la culture vient de l’idée du Réseau Salariat de proposer des sécurités sociales sectorielles. L’objectif est de sortir la culture du marché capitaliste, comme c’est déjà le cas pour le soin ou les retraites. Nous avons donc travaillé par branche, afin de réfléchir au conventionnement des lieux culturels, au régime de l’intermittence, au statut des fonctionnaires, etc.
Il s’agirait d’une caisse de salaires, financée par une cotisation interprofessionnelle comme l’est l’assurance-chômage. Cela peut paraître révolutionnaire, mais nous ne sommes pas là pour créer un autre monde : ce sont des mesures qui ont déjà été prises en 1945-1946 pour la santé et la vieillesse et qui perdurent aujourd’hui.
Le secteur de la culture bénéficie déjà d’un régime spécial d’intermittence : quel intérêt de le remplacer par un système de sécurité sociale ?
Le soi-disant “statut” d’intermittent est fallacieux, car il est conditionné à la réalisation des 507 heures de travail annuel. Nous essayons de sortir de la rhétorique d’aide sociale ou de solidarité professionnelle, qui induit que les intermittents sont une dépense qui ne créent pas de valeur en dehors de leurs périodes de travail. Cette logique issue du MEDEF et des libéraux pousse les intermittents eux-mêmes à se culpabiliser entre leurs périodes d’emploi.
Nous voyons plutôt l’intermittence comme un salaire de remplacement entre deux emplois. Avec notre modèle de sécurité sociale de la culture, nous souhaitons faire diminuer progressivement le nombre d’heures requises jusqu’à zéro et permettre un salaire à vie. Les producteurs de spectacle ne paieraient ainsi plus directement les artistes, mais devraient cotiser à une caisse de salaire qui distribuera un salaire statutaire.
En quoi ce nouveau mode de financement de la culture pourrait être bénéfique aux artistes et à leur expression artistique ?
Les travailleurs de la culture ont intégré le mode de production capitaliste. En tant qu’indépendant ou compagnie, on trouve ça normal d’aller sur le marché du travail pour se vendre. C'est la jungle ! Si on veut obtenir des financements et être engagé, il faut adapter son...
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